Le banquet du vingtième siècle

A l’auberge du « Bon Accueil »

Jusqu’en 1952, pour arriver au bac en descendant du village de Guernes, le franchissement des deux bras de la Seine se faisait par des « ponts de terre » ou passages busés qui provoquaient l’envasement de ces bras. Aussi, pour favoriser la libre circulation de l’eau, dès « 1950, les commerçants, les pêcheurs et les propriétaires » se mobilisèrent.

 

Cette mobilisation aboutit à la construction de deux ponts sur les bras. A l’époque, le maire de Guernes, Marcel Perraud et le maire de Limay, André Lecoq, aussi vice-président du Conseil Général, ont été des relais politiques efficaces de cette réalisation.

 

L’inauguration de ces ponts se déroula le 26 octobre 1952, par une belle journée d’automne.

 

Pour fêter cette inauguration, un banquet fut organisé au restaurant du bac, sous la présidence de Monsieur le sous-préfet de Mantes-Gassicourt, entouré de monsieur Jean-Paul David, député-maire de Mantes-Gassicourt, de monsieur André Lecoq, vice-président du Conseil Général, maire de Limay… et de Messieurs les ingénieurs qui ont réalisé les ponts.

Il s’agissait d’un menu de gala, avec deux plats inspirés par la pêche. Ce repas comportait « un buisson de fritures, une croustade de gnocchi, une darne (ou tranche) de brochet à la dieppoise, la coulée des bras (ou trou normand), un morceau de chapon du Mans rôti avec sa garniture de cresson, des haricots verts à la tourangelle, de la salade de saison, des fromages, un gâteau appelé « le provoquant* », une crème glacée au caramel ; le tout accompagné de vins fins et suivi du café et des liqueurs.

 

Ce repas était proposé au prix de 1000 francs, prix réduit à 950 francs pour les membres bienfaiteurs du « Brocheton des bras de Guernes » et leur famille.

 

En comprenant les personnalités déjà évoquées, ce banquet réunit cent cinquante personnes et demanda une organisation exceptionnelle à l’auberge. Il s’avéra nécessaire d’organiser un vestiaire numéroté et d’embaucher des serveurs à Mantes pour cette prestation extraordinaire. Sans doute, cent quinze convives se trouvèrent un peu serrés, dans les salles intérieures, tandis que trente-cinq prirent place sur la terrasse. Pour madame Vautier, l’aubergiste, qui n’avait pas ordinairement l’habitude, ni les moyens, de faire face à une telle affluence, ce repas de gala est resté jusqu’à ses derniers jours, le banquet du vingtième siècle ; sans compter que ce jour-là, en plus de ces hôtes exceptionnels et si nombreux, plus d’une quarantaine de clients habituels s’étaient présentés et qu’il fallut les  servir, ce qui fit un total de presque deux cents couverts !

 

*La base de cette fabrication consistait à réaliser « un pain de Gênes » ou gâteau constitué de farine, mais surtout d’amandes pilées et de sucre, à l’intérieur duquel le pâtissier plaçait des cerises confites.

Après cuisson et refroidissement, ce gâteau était aspergé de rhum. Alors, « Alix », le pâtissier le plus réputé de Mantes, enrobait ce gâteau d’une « abaisse de pâte d’amandes et de jaune d’œuf », travaillée au rouleau à pâtisserie, avant qu’il subisse une deuxième cuisson.