70ème anniversaire du franchissement de la Seine par les Américains
Discours prononcés à Guernes dimanche 17 août 2014 à l'occasion des commémorations de cet évènement
Monsieur le maire, messieurs et mesdames les élus, messieurs les vétérans et anciens combattants, mesdames, mesdemoiselles et messieurs,
Je vous remercie de témoigner par votre présence du devoir de mémoire dû aux Libérateurs et aux victimes de la Libération.
Ici, en ce dimanche 17 août 2014, « soixante-dix ans après », nous voici convoqués par l'Histoire pour commémorer les actes de courage et d'héroïsme de femmes et d'hommes qui, au péril de leur vie et parfois jusqu'au sacrifice suprême, se sont engagés pour restaurer la Liberté et la Démocratie.
La Liberté et la Démocratie, cet engagement de gens d'ici, de gens de France et de gens d'ailleurs qui en refondèrent les principes et pour ici et pour la France et pour ailleurs ; cet engagement qui jeta surtout les bases d'un Monde nouveau, plus pacifique et plus équitable.
Cette œuvre par eux accomplie, aujourd'hui, à nous de la poursuivre et de la perpétuer, à nous comme eux de transmettre aux générations à venir et plus de bonheur et plus d'espoir. À nous aussi de perpétuer dans les mémoires le souvenir de leur sacrifice.
Saluons d'abord nos libérateurs venus du Nouveau Monde pour nous apporter un Monde nouveau.
Cette troisième U.S. Army du général Patton, cherchant depuis la Normandie à faire franchir la Seine à l'armée américaine et dont les avant-postes se fixèrent dans le parc du château de Rosny, dans la nuit du 18 au 19 août. Cette 79ème Division, « Croix de Lorraine », en souvenir des combats sur notre sol déjà menés lors du premier conflit mondial, qui fut lancée au soir du 19 août 1944 d'abord dans des reconnaissances depuis Rolleboise, puis dans la construction étonnamment rapide d'un pont de bateaux qui permit le franchissement du fleuve et l'établissement de la première tête de pont alliée sur la rive droite de la Seine.
Le matin du 20 août 1944, à onze heures, les troupes américaines ayant franchi la Seine depuis Rolleboise arrivent dans Guernes, mettant fin aux combats entrepris pour sa libération. Libération confirmée lorsqu'en début d'après-midi fut achevé le pont de bateaux. Ensuite, durant trois jours, les véhicules d'une armée américaine extraordinairement mécanisée ne vont cesser de défiler dans un village médusé ; comme l'avait dit le général De Gaulle, le 18 juin 1940, « cette force mécanique peut être vaincue par une force mécanique supérieure, l'avenir du monde est là ».
Cependant, la libération de Guernes ne s'était pas faite sans une participation active de la population et de la Résistance, qu'elle fut de Guernes ou qu'elle fut de France, qu'elle fut d'avant ou qu'elle fut d'alors, le risque demeurait toujours, demeura toujours, jusqu'au dernier jour, jusqu'au dernier moment. Tel qui fut pris et tué par l'Occupant retraitant, telles qui victimes innocentes furent tuées, tels qui combattant périrent.
Revenons à ce 19 août, projetant l'établissement d'un pont de bateaux pour le franchissement de la Seine par l'armée américaine, celle-ci, dans la nuit du 18 au 19 août, par quelques tirs « tâta » la résistance de l'ennemi, ne sachant pas l'inconséquence de sa présence sur Guernes. En effet, hormis quelques blessés et déserteurs, il ne reste plus de présence allemande dans le village qu'une batterie de Flak en bords de Seine et quatre soldats allemands, dont un blessé, dans une maison du village servant de dépôt de munitions et qu'ils menaçaient de faire sauter.
De bon matin, le samedi 19 août 1944, Raymond Ledebt, dix-neuf ans ans à l'époque, fils du maire d'alors, M. Émile Ledebt, de sa propre initiative, s'empare d'une des barques du passeur et exposé au feu possible de la batterie de Flak comme des soldats américains, se laisse dériver jusqu'à aborder à la hauteur du parc du château de Rosny. Alors qu'il attache sa barque, il est saisi par deux imposants G.I.'s qui le remettent à un officier de renseignement qui va le « débriefer ». Lors de ce court interrogatoire de cinq ou six minutes, il étale devant M. Ledebt une carte d'état-major sur laquelle le village de Guernes est entouré en rouge, présageant du bombardement total du village, car les forces américaines ont peur qu'il ne soit aux mains d'un important contingent allemand.
M. Raymond Ledebt, exposant l'état des forces allemandes dans le village, plaide auprès des Américains pour qu'il n'y ait pas de bombardement. Le tir de quelques obus commence, il plaide à nouveau et les tirs cessent ; si le village est nettoyé de la présence allemande, alors les bombardements ne reprendront pas.
Par malheur, ces tirs firent deux victimes civiles. À 08H30, après un feu nourri de quelques minutes qui ne fera « miraculeusement » aucune victime américaine, les hommes de la batterie allemande se présentent sur la berge du fleuve les mains en l'air et agitant un drapeau blanc.
Les troupes américaines n'en ayant pas reçu l'ordre, M. Raymond Ledebt et un soldat français habillé en marin, dirigeant chacun une barque, traversent la Seine. Avec une troisième barque dirigée par Léon Gianello, émigré italien ayant fui le Fascisme et travaillant comme cuisinier à l'auberge du bac, ils leur font alors franchir la Seine jusqu'à Rosny, où ils se constituent prisonniers aux forces américaines. Cependant, comme il n'y a aucun gradé parmi eux, M. Ledebt et le soldat français habillé en marin, retournent sur Guernes et un Feldwebel armé d'une mitraillette jaillissant du fond d'un trou se rend à eux et, passant le fleuve, s'en va comme les autres se constituer prisonnier aux Américains. Le reste des prisonniers le raille en le voyant arriver.
Nous pouvons considérer que, par ce courageux acte de bravoure, M. Raymond Ledebt, malgré son jeune âge, évita et la destruction du village et d'inévitables victimes. M. Raymond Ledebt, à nos côtés aujourd'hui, habite toujours la commune, au Conseil municipal de laquelle il participa de longues années durant. Guernes reconnaissante, par décision du Conseil municipal, a fait graver à son attention une plaque.
À travers lui, ce sont tous les héros connus, méconnus et inconnus de la Libération, que nous honorons.
Dans la journée du 19 août 1944, les combats se poursuivirent dans Guernes autour du dépôt de munitions, auxquels participèrent et des Guernois et des résistants venus de Rosny et de Mantes. Deux d'entre eux trouvèrent dans ces circonstances la mort et nous vous proposons de leur rendre hommage auprès des plaques commémoratives apposées là où ils tombèrent. Pour ce faire nous allons suivre le chemin qu'ils parcoururent il y a soixante-dix ans.
Nous nous trouvons ici au milieu d'une rue baptisée du nom d'André Mendon, si partout ailleurs en France et dans le Monde il est ignoré, à Guernes il ne peut l'être. Ici, à l'emplacement même de cette plaque, il a trouvé la mort en combattant pour libérer Guernes. Ce jeune rosnéen s'était joint à un groupe de jeunes résistants réunis à Rosny et ils avaient franchi la Seine pour aider les Guernois engagés dans la libération de la commune. Quand ils arrivèrent, seuls s'opposaient encore quatre Allemands dans la maison au sommet de cette côte qui servait de dépôt de munitions. Grièvement blessé par un jet de grenades en tentant de prendre la position, André Mendon décéda quelques heures après. Aujourd'hui rendons-lui hommage.
La première tentative d'assaut ayant été repoussée, le groupe comptant trois blessés dont André Mendon se replia. Ceux qui étaient encore valides passèrent dans la rue devant l'église pour rejoindre le café où se trouvaient un groupe de Guernois. Ceux-ci tiraillaient sur les ouvertures de la Maison Bourlon qui servait de dépôt de munitions et où se trouvaient retranchés les quatre soldats allemands. Cependant l'angle de tir ne leur étant pas favorable, ils ne réussissaient pas à déloger l'Occupant. Tout à coup, Roger Girardat, dit La Légion, s'élança, courant vers la Maison Bourlon et y pénétra. Son corps fut retrouvé le lendemain au pied de la cage d'escalier, les Allemands ayant profité de la nuit pour prendre la fuite, sans faire sauter le dépôt de munitions. Aujourd'hui rendons-lui hommage.
Ici, figurent inscrits les noms de victimes tant civiles que militaires. Des Guernois tombés au champ d'honneur, Marcel Bellard et Robert Legendre. Roger Girardat, tombé pour la libération de la commune. Louis Prudhomme, agriculteur à la ferme de Flicourt, réquisitionné avec son attelage le 13 août 1944 par les Allemands, comme d'autres Guernois, et abattu à Chérence. Georgette Ledebt et Suzanne Maréchal décédées des blessures provoquées par l'éclatement d'un obus à fragmentation contre une cheminée, lors des tirs américains de la matinée du samedi.
- Les discours sont de Monsieur Benoît Landrevie
- Les photos sont de Monsieur Brissot
- Remerciements : les passeurs, Le Brocheton de Guernes, M. Lesénécal Claude, les élus de Rosny pour leur collaboration et l'association de reconstitution 79TH MEMORY GROUP.