Monographie sur Guernes des origines à 1900
La version complète reliée, est en vente à la Mairie de Guernes
Sommaire
I. Préface
II. Partie géographique
- Situation - Communes limitrophes
- Population, étendue en hectares de la superficie territoriale
- Altitude - Nature du sol - Climat - Relief - Hydrographie
- Voies de communication
- Particularités de la faune et de la flore
- État de la propriété – Principales cultures
- Élevage - Animaux utiles et nuisibles
- Industrie : carrières, fours à chaux, divers. Commerce
III. Esquisse historique
- Étymologie, anciennes formes du nom
- Époque antérieure à la Révolution - Fiefs
- Formation territoriale
- Administration communale pendant la Révolution.
- État actuel : institutions communales. Conclusion
IV. Instruction publique
- État de l’enseignement dans la commune
- Comment les maîtres étaient recrutés
- Population scolaire aux diverses époques
- État actuel.
- Plan général de la maison d’école
I. Préface
En 1896, le ministre de l’Instruction Publique, des Beaux-Arts et des Cultes publiait une note engageant les instituteurs à « s’intéresser aux questions d’histoire locale et à rédiger des monographies afin qu’elles soient présentées à l’Exposition universelle de 1900 ».
L’Inspecteur d’Académie de la Seine-et-Oise précisait en 1898 : « L’idée des monographies communales n’est pas nouvelle en Seine-et-Oise. Nous en avons déjà quelques-unes d’un mérite réel, à l’intelligente initiative des instituteurs. Il y aurait tout profit à généraliser des études de ce genre et nulle date ne paraît mieux convenir à la réalisation de cette œuvre collective que celle de l’Exposition de 1900. L’ensemble des notices, rédigées par les instituteurs, constituerait une collection des plus intéressantes et des plus précieuses pour la connaissance de l’histoire et de la géographie locales et chacune d’elles, après l’Exposition, aurait sa place naturellement marquée dans les archives du département et des communes. Je recommande donc ce travail à tout l’intérêt de nos maîtres : je ne doute pas qu’ils ne répondent avec empressement à mon appel ».
M. Armand Barberot, instituteur à Guernes depuis le 29 septembre 1895, se mit au travail et présenta en 1899 la monographie qu’il avait rédigée. C’est ce texte que nous proposons ici.
Tout en sachant bien qu’il ne s’agit ni d’un véritable travail d’historien, ni d’un exercice littéraire, il nous a paru intéressant un siècle après, en l’an 2000, de mettre à la disposition de tous cette étude conservée aux archives départementales.
Nous en avons volontairement conservé l’intégralité : nous avons respecté son style et son orthographe afin de lui conserver son authenticité.*
Nous avons reproduit les illustrations qui figurent dans l’original dans la mesure où elles pouvaient l’être.
Pour rendre l’ouvrage plus attrayant, nous y avons adjoint la reproduction de cartes postales du village, de quelques années postérieures.
Ce document original et irremplaçable sur notre commune au début du siècle a, entre autres mérites, celui de rapporter fidèlement des témoignages aujourd’hui disparus ou difficilement accessibles.
C’est une « mémoire » qui en fixe le passé, permet d’apprécier les changements intervenus au fil des années et de mesurer le chemin parcouru.
Il peut donner à tous les habitants de notre commune la possibilité de retrouver « l’âme » du village.
Ce peut être aussi une première étape dans la découverte de Guernes, étape qui en appelle une seconde consacrée à l’histoire contemporaine de notre village.
Jean-Pierre MESSIN
Maire de Guernes
* AVERTISSEMENT
Contrairement à ce qui est précisé dans cette préface, il a été choisi ici, tout en respectant l’intégralité du texte et le travail de l’auteur, de corriger le style, l’orthographe et la ponctuation, excepté certaines phrases et expressions ainsi que quelques mots d’époque qui ont été conservés (essentiellement dans les paragraphes en italique) - ceci dans un souci de facilité de lecture et de compréhension du texte pour les lecteurs (notamment les plus jeunes) qui ne seraient pas familiers avec le français du XVIIIe et XIXe siècle.
II. Partie géographique
Chapitre 1
Situation – Communes limitrophes
La commune de Guernes est située par 49°30’ et 49°2’’de latitude Nord ; 0°39’35’’ et 0°43’25’’ de longitude Ouest. Elle a la forme générale d’un rectangle limité sur deux faces par la Seine et fait partie avec Saint-Martin et Follainville d’une sorte de presqu’île dont Mantes et Vétheuil forment les points extrêmes.
Ses limites sont : au nord Saint-Martin-la-Garenne, à l’est Follainville, au sud Gassicourt et Rosny-sur-Seine, à l’ouest Rolleboise et Méricourt.
Le village de Guernes est bâti sur une légère colline en pente brusque qui longe la Seine à droite, presque sur toute l’étendue du territoire de la commune. Il est ramassé, les constructions sont tassées les unes sur les autres ; aucune vieille maison n’a de cour digne de ce nom : il est impossible d’y tourner avec une voiture ; seules quelques-unes, de construction récente, sont mieux partagées sous ce rapport.
Population - Étendue en hectares de la superficie territoriale
La population de la commune est de 515 habitants, recensement de 1896 ; cette population a varié dans des proportions appréciables sans cependant s’écarter beaucoup du chiffre ci-dessus, ainsi que l’indique le tableau suivant :
En 1804 : 550 habitants En 1840 : 581 habitants En 1867 : 513 habitants
En 1821 : 551 ’’ En 1843 : 547 ’’ En 1878 : 478 ’’
En 1824 : 555 ’’ En 1857 : 542 ’’ En 1888 : 483 ’’
En 1833 : 542 ’’ En 1863 : 530 ’’ En 1891 : 507 ’’
L’annuaire indique comme étendue du territoire : 771 hectares. C’est le chiffre actuel. Avant 1876, la commune ne comprenait que 725 hectares.
À cette époque, la commune de Guernes obtint (loi du 27 août 1876) après de longues formalités, de nombreuses délibérations et moyennant une indemnité de 8 000 F à la commune de Rosny-sur-Seine, la réunion à son territoire de l’Île dite de Rosny. Cette île, appartenant pour la plus grande partie à des cultivateurs de Guernes, n’est séparée de ce village que par un bras de Seine, que l’on traverse sur un pont ou Buse, tandis que la Seine la sépare de la commune de Rosny. La possession de cette île avait d’ailleurs été dès l’origine et pendant 18 ans (1790-1808) contestée à Rosny par les habitants de Guernes. Elle a une étendue de 48,69 arpents métriques (ou hectares) d’après le cadastre de Rosny établi en 1809.
Altitude – Nature du sol – Climat – Relief - Hydrographie
La situation de la commune en bordure de Seine laisse supposer que son altitude est faible. En effet, bien que, à première vue, la légère colline qui borde la Seine paraisse élevée, son altitude n’est que de 24 à 30 mètres, ce qui ne fait qu’une élévation de 11 à 17 mètres au-dessus du niveau du fleuve. Le plateau, ou plaine de Guernes, s’élève ensuite en pente douce de la colline aux limites Nord-Est du territoire ; il est à l’altitude de 30 à 60 mètres, et le point culminant au lieu-dit « Les quatre chemins » à 2 km de Dennemont et de Sandrancourt ne dépasse point 70 mètres.
Le sol est de nature bien différente sur les diverses parties du territoire de la commune de Guernes : il est on ne peut plus varié. On y rencontre presque toutes sortes de sols, depuis les terres fortes jusqu’aux sables presque purs. Ses îles englobées par la Seine et ses divers bras, formées de terres d’alluvions, sont presque des terres franches et d’excellente qualité. Entre la Seine et la côte, le sol est argilo-calcaire ; la côte est calcaire, silico-calcaire au-dessus et le sable domine sur le plateau.
Le sol et le sous-sol sur tout le plateau sont caillouteux, ils l’étaient bien plus autrefois : d’énormes murgers, formés par l’amoncellement des cailloux ramassés depuis des siècles par les cultivateurs, sillonnaient la plaine en tout sens et formaient une chaîne non interrompue de plusieurs kilomètres au sommet de la côte. Le sous-sol, plus près de la Seine, est formé d’un fort banc de calcaire grossier composé de blocs énormes et qui constitue la côte.
Le climat est tempéré. La côte, exposée au midi et sur laquelle le village est bâti, forme une sorte d’abri contre les vents du nord dont les effets sont ainsi moins nuisibles. La moyenne des pluies est plutôt inférieure à celle des villages voisins, car les orages y sont rares : les nues orageuses suivant la vallée de la Seine font souvent le tour du territoire.
Comme il a été dit ci-dessus, le territoire se compose d’îles et d’une partie bordant la Seine à droite qui ne dépassent pas 2 à 3 mètres au-dessus du niveau de l’eau : cette partie est plate et unie. Puis s’élève la côte raide et abrupte (la culture y est impossible en plusieurs endroits), de là le plateau suit une pente à peu près uniforme ; il s’abaisse ensuite insensiblement jusqu’au bord du fleuve vers l’ouest où n’existe pas de côte.
Au point du vue du régime des eaux, le territoire de la commune est seulement arrosé par la Seine et ses divers bras contournant les îles. D’abord la Seine proprement dite qui longe le territoire sur une longueur de 6,6 km, puis le bras du milieu (4 km) qui, avec la Seine, enveloppe l’île de Rosny ; enfin, le bras de Guernes et ses diverses ramifications a une longueur de 6 km et englobe avec le bras de Rosny ou du Milieu les îles des Genouchets, de Guernes, de Rolleboise et plusieurs îlots. Des remblais pleins permettent de communiquer avec les îles des Genouchets et de Guernes, un autre avec passage d’eau ou Buse avec l’île de Rosny. On accède à l’île de Rolleboise par un pont. La longueur totale des berges sur le territoire de Guernes est donc d’environ 26 km.
Quelques affaissements sur le plateau du côté du cimetière permettraient de croire que des sources descendant des collines de Follainville ou de Saint-Martin, au lieu de couler directement vers la Seine, viendraient se perdre dans le fleuve en face de Rolleboise, en traversant la commune de Guernes à une profondeur plus ou moins grande. Cette supposition peut paraître assez naturelle, car les sources en question seraient barrées au nord et au sud par deux bancs de glaise : celui de Coudray, qui est exploité par la Tuillerie de Mantes, et celui, moins important, qui se trouve à l’extrémité est de la côte de Guernes et que des fouilles faites près de l’usine à ciment de Dennemont ont fait découvrir.
Voies de communication
En égard à sa position dans une sorte de cul-de-sac limité par la Seine, la commune se trouve un peu isolée. Les voies de communication sont peu nombreuses : pas de ligne de chemin de fer. La station de Rosny (ligne de Paris au Havre) est à 1 500 mètres de la mairie, d’où part une route descendant la côte du village par une rampe de 80 mètres très raide et se dirigeant vers Rosny.
La traversée des deux bras s’effectue sur deux remblais déjà cités, et celle de la Seine (170 mètres) au moyen d’un bac à traille aérienne. Ce passage est souvent difficile et même dangereux par un fort vent d’ouest. Le courant, assez faible vu le rapprochement du barrage, se trouvant contrarié par le vent, il se forme d’énormes vagues capables de faire couler les bateaux : une péniche chargée de vin y fut submergée le 7 avril 1899.
On rejoint ensuite à Rosny la route de Paris à Rouen pour les directions de Mantes (6 km) et de Bonnières (8 km de la mairie).
Du même endroit partent : 1°/ le chemin vicinal n° 147, route de Mantes par Dennemont et Limay (9 km) ; 2°/ le chemin vicinal ordinaire de Guernes à Vétheuil par Sandrancourt et Saint-Martin-la-Garenne (10 km) ; 3°/ le chemin de Flicourt (1 300 m).
Une autre voie de communication importante est formée par la Seine. En ce qui concerne la commune elle n’est utilisée, outre les promenades ou voyages d’agrément en bateau, que pour l’arrivée des gadoues ; autrefois, c’est par là que furent enlevés les matériaux des murgers, il en sera parlé plus loin.
En aval de la Seine, et presque à la limité du territoire, a été construit un superbe barrage, accompagné de deux écluses. Il est composé de deux parties : la première à pont pour le relèvement des fermettes ou vannes à l’époque des glaces ; et la seconde sans pont : les fermettes sont couchées au fond de la Seine en hiver. Les deux écluses pour le service de la marine sont situées sur la rive gauche, territoire de Méricourt.
Telles qu’elles sont, les voies qui mettent Guernes en communication avec les autres communes ne sont pas l’idéal. Par exemple, un pont sur la Seine serait d’une utilité incontestable, et certainement la commune s’imposerait de grands sacrifices pour sa construction.
Mais si l’on établit une comparaison avec ce qui existait autrefois, on ne peut que s’estimer heureux et plaindre les Guernois des siècles passés et même de la première partie du XIXe. Ils n’avaient alors pour se rendre à Rosny et même dans l’une quelconque de leurs îles que le secours des bateaux. Il fallait un bateau pour aller couper l’herbe, semer les champs ; un bateau menait les vaches aux prés, rentrait les récoltes, il fallait charger et décharger quatre ou cinq fois celles de l’île de Rosny pour les mettre à la grange. Quelles pertes ! Que de temps perdu ! Que d’ennuis !
Aujourd’hui toutes les îles sont réunies au village par des ponts ou remblais. Autrefois tous les charrois se faisaient à dos d’âne à cause du mauvais état des chemins. Aujourd’hui presque toutes les parcelles sont desservies par des chemins généralement en bon état. Il y a donc un progrès considérable sous ce rapport.
Particularités de la faune et de la flore
Les animaux qui vivent à l’état sauvage n'ont rien de particulier à Guernes : ce sont ceux que l’on trouve partout. Quelques renards, beaucoup de fouines logées dans les carrières abandonnées, dans les bois, et qui viennent la nuit dans les habitations où elles font des dégâts appréciables ; aussi leur tend-on, avec succès, toutes sortes de pièges. Quelques belettes et des rats d’eau à profusion complètent les représentants des mammifères. Ces derniers font en hiver des excursions sur les rivages de la Seine où ils dévorent tout. À citer aussi quelques loutres.
Parmi les oiseaux, quelques rapaces d’espèces assez rares et des oiseaux d’eau : hérons Blongios, foulques, grèbes ; le joli martin-pêcheur y est très commun ; on trouve rarement la huppe. Tous les autres sont des animaux communs à la région.
La flore n’a rien de particulier, elle n’est même pas riche comparativement à celle des communes voisines : on n’y trouve pas d’orchidées comme à Follainville (Coudray), pas d’orobanches variées comme à Vétheuil, la Roche-Guyon, pas de genêts… En somme, une flore très ordinaire, rien de remarquable.
Chapitre 2
État de la propriété – Principales cultures
La commune de Guernes a un territoire très divisé. Pour une superficie de 688 ha (non compris la Fournière : 83 ha), on trouve au cadastre 12 500 parcelles. Un certain nombre de grandes pièces de terre provenant du domaine de Flicourt et des propriétés seigneuriales de l’île de Rosny augmentent la moyenne qui sans cela serait à peine de 5 ares par parcelle. Les plus petites parcelles se trouvent à l’entour du village et dans toute la partie comprise entre la Seine (bras de Guernes) et la crête de la côte : ce sont les vignes. Cette division extrême, qui a pour origine le partage des anciennes parcelles entre tous les enfants co-héritiers, tend à diminuer pour plusieurs raisons.
Actuellement, les enfants ne divisent que très rarement les parcelles de leur héritage ; lors d’une vente publique, chacun fait l’acquisition, autant que possible, des parcelles attenantes à ses propriétés ; enfin de nombreux échanges ont lieu, et ces échanges sont facilités par la loi nouvelle qui a réduit à 0,25 % les droits d’enregistrement dans ce cas.
Guernes est un pays de petite culture, ainsi que cela existe partout où le territoire est très divisé. Les cultures sont donc très variées. Tout le monde est plus ou moins propriétaire : on possède depuis quelques ares jusqu’à 20 ha (non compris les propriétés sur les communes limitrophes). Presque tous les cultivateurs font leur besogne par eux-mêmes : les domestiques y sont rares. Quelques-uns ont un petit commis, et pour le reste on prend des femmes ou des hommes de journée lorsque les travaux pressent (cueillette des pois, des cerises, moisson, vendanges). Très rarement on emploie des ouvriers étrangers à la commune.
Les principales cultures sont : les céréales (seigle, blé, avoine, orge) ; les fourrages (trèfle, luzerne, sainfoin, prairies nouvelles) ; les arbres fruitiers (cerisiers, pruniers) ; les pois, les asperges, les betteraves, les pommes de terre, la vigne, l’osier.
Les engrais employés pour les diverses cultures sont : d’abord le fumier, puis une grande quantité de gadoues, souvent de peu de valeur nutritive, les engrais du commerce, soies de porcs, poils de lapins et les engrais chimiques. L’emploi de ces derniers tend à augmenter depuis quelques années ; ils remplaceront certainement les gadoues à une époque peu éloignée.
Les cultivateurs se rendront bien vite compte des avantages de toute nature qu’ils trouveront à cette substitution. Un grand nombre d’entre eux font des essais, des expériences, et apprennent ainsi par eux-mêmes à n’employer que les engrais qui peuvent leur donner de bons résultats. Les gadoues sont surtout utilisées dans les vignes où elles ont pour effet de provoquer rapidement la végétation.
Rien de particulier à signaler au sujet de la culture des différentes céréales. Cette culture est pratiquée comme partout ailleurs. La plupart des cultivateurs visitent leurs champs au printemps et sèment sur leurs seigles et blés qui ont souffert de l’hiver du nitrate de soude dans une proportion variant de 50 à 250 kg à l’hectare, suivant les besoins.
À l’époque de la moisson, les récoltes sont rentrées presque aussitôt si le temps est favorable ; en cas de pluie, on dispose les gerbes en moyettes, debout. La plus grande partie des céréales est rentrée en granges, le reste disposé en meule ; dans les deux cas, le battage s’effectue aussitôt après la moisson. Les cultivateurs qui ont chez eux une batteuse font cette opération pendant les jours de mauvais temps et au fur et à mesure des besoins, mais toujours avant la fin de l’année. Les autres font battre par un entrepreneur.
Les petits pois se cultivent de deux façons. 1° en décembre et commencement de janvier, on met le fumier sur la semence (pois Michau) de façon à la garantir des grandes gelées ; 2° le fumier est placé sous les grains pour les cultures plus tardives (pois de Clamart, caractaeus, express, etc.).
La culture des asperges, betteraves, fourrages, pommes de terre, ne diffère pas de ce qui se fait ailleurs. Depuis deux ou trois ans, quelques cultivateurs ont essayé d’arroser les pommes de terre avec une dissolution de sulfate de cuivre, ce qui a donné d’excellents résultats.
Les arbres fruitiers ne reçoivent de soins que lorsqu’ils sont jeunes, plus tard ils sont laissés un peu à l’abandon : on se borne alors à enlever les branches mortes ou en excès.
La vigne est bien soignée ; elle n’est pas cultivée en rayons sauf pour les nouvelles plantations. Elle donne d’ailleurs un excellent vin, très recherché. Les principales variétés cultivées jusqu’à ce jour sont : le meunier, le meslier blanc, le petit et le grand gamay.
Si le phylloxéra fait son apparition dans la commune, comme cela est malheureusement à craindre puisque la commune de Follainville est contaminée, on introduira les variétés américaines : rupestris, riparia, et comme producteur direct, l’othello.
En somme, une culture au-dessus de la moyenne, et par les méthodes et par les soins. De nombreux cultivateurs, surtout parmi les jeunes, sont abonnés à des journaux qui, comme « L’agriculture moderne », les tiennent au courant des procédés nouveaux et des expériences dont ils peuvent faire leur profit.
Élevage – Animaux utiles et nuisibles
La commune de Guernes n’est pas un pays d’élevage ; d’ailleurs, vu l’état de division de la propriété, cela serait impossible. On n’y trouve pas d’herbages et on ne peut y établir de clôtures à cause du peu d’étendue des parcelles. Dans les îles seulement cela pourrait avoir lieu, la nature du sol le permettrait ; mais ce sont les seules terres à blé de la commune. Il n’y a pas un seul mouton : la vaine pâture est abolie.
À peine si on élève quelques poulets. Les poules sont surtout destinées à la ponte et les œufs sont livrés au commerce. On en fait sur place une grande consommation.
Il y a cependant un genre d’élevage pratiqué sur une assez grande échelle et qui donne de beaux bénéfices : c’est celui du lapin. Toutes les semaines, un marchand en emporte une pleine voiture.
On ne trouve comme gibier que la perdrix, en assez grande abondance, le lièvre et le lapin. La chasse est un profit pour les cultivateurs : elle est louée 2 000 F, et cette somme leur est partagée au prorata de l’étendue de leurs propriétés. La chasse sur l’eau est assez agréable ; on y tue des hérons, poules d’eau, mouettes, culs-blancs, etc.
Plusieurs habitants ont quelques ruches utilisées pour la consommation de la famille.
Enfin, la pêche une distraction et un profit à la portée de tous, et il n’est personne qui ne puisse avoir de temps en temps une friture ou un brochet. Les bras de la Seine à Guernes sont en effet renommés pour la pêche du brochet, trop renommés même, car un nombre considérable de pêcheurs étrangers qui viennent depuis quelques années se livrer à cette pêche ont réussi à détruire presque complètement ce poisson. C’est par milliers de kilogrammes chaque année qu’il a été capturé.
Un certain nombre d’animaux nuisibles exercent leurs ravages dans la commune ; d’abord le lapin de garenne, en assez grande quantité, trouve un refuge dans les carrières abandonnées, d’accès difficile et autour desquelles il cause de graves dommages : carottes, fourrages, vignes, rien n’est respecté par ce rongeur. Heureusement qu’il est cantonné dans ces carrières, sans quoi ses ravages s’étendraient beaucoup plus.
Un autre mammifère a élu domicile dans les mêmes carrières, et s’il combat le lapin, il n’en est pas moins redoutable : la fouine est ici un animal très commun. Aussi les pièges ne chôment pas ; avec des œufs comme appât, on en prend un grand nombre, car cet animal a un faible pour la volaille et ses produits. Le renard est rare.
Un véritable fléau, mais qui tend à disparaître ou du moins à diminuer, ce sont les chenilles. Tous les murgers sont couverts d’une végétation d’épines noires, d’églantiers, dans laquelle les nids de chenilles pullulent. Avec la disparition des murgers, les chenilles seront obligées de changer de domicile, et dans les arbres fruitiers leur destruction sera plus facile et chacun sera plus directement intéressé à leur faire une guerre acharnée.
Il sera plus difficile de combattre un autre ennemi dont la présence est imminente : le phylloxéra causera probablement de grands ravages et les vignerons seront sans doute forcés de renouveler entièrement les 40 ha de vignoble de Guernes.
Nous aurons terminé avec les principaux animaux nuisibles lorsque nous aurons dit que le hanneton s’attaque à toutes les cultures de la commune et que, vu la grande quantité d’arbres fruitiers, sa destruction est difficile.
Depuis longtemps on a encouragé ici cette destruction par des primes. On retrouve de nombreuses délibérations à ce sujet. Exemple : « L’an mil huit cent trente-cinq le 15 mars… Monsieur le Maire donne lecture à l’assemblée de la circulaire de M. le Préfet, du 4 mars dernier, de laquelle il résulte que le Conseil général s’est occupé dans sa dernière session des pertes et des torts que causent tous les ans à l’agriculture les hannetons et vers blancs et qu’il met une somme de 3 000 F pour 1835 à la disposition de M. le Préfet pour la répartir en primes aux cultivateurs qui montreront le plus de zèle et obtiendront les meilleurs résultats pour la destruction de ces insectes, etc. Le Conseil délibérant… arrête… »
Suit l’énonciation des conditions dans lesquelles se fera la destruction, et il est alloué une prime supplémentaire aux cultivateurs qui sont d’ailleurs tenus obligatoirement de procéder à la destruction. Depuis cette époque, on s’est efforcé de détruire les hannetons mais sans beaucoup de succès ; à cause de la division de la propriété, il n’est guère pratique d’employer des moyens comme les cages roulantes, et un grand nombre de parcelles, couvertes d’arbres ou de vignes, ne sont pas cultivées assez profondément pour effectuer la destruction des vers blancs.
Chapitre 3
Industrie : carrières, fours à chaux, divers - Commerce
Guernes étant essentiellement agricole, c’est dire qu’au point de vue industriel, il y a peu de choses à signaler.
Quelques carrières sont exploitées. On en extrait une pierre de construction qui est de bonne qualité. D’anciennes carrières montrent que cette branche d’industrie a été autrefois prospère. La même pierre est transformée en chaux d’une très bonne qualité et qui est utilisée par les usines à papier et par la maçonnerie. Les débris servent d’amendement. Plusieurs fours à chaux sont construits à quelque distance du village.
Il existait autrefois dans la plaine un grand nombre de tas de cailloux dits murgers, formés par l’accumulation des cailloux que les anciens ramassaient dans leurs champs. Ces murgers, exploités il y a 35 ou 40 ans, ont été enlevés pour la plus grande partie au moyen de chalands et transportés à Paris ou aux barrages (on en faisait des agglomérés ou béton).
Un pont qui subsiste encore aujourd’hui et établit la communication avec l’Île de Rolleboise, le pont d’Herville, a été construit à cette époque par les entrepreneurs. Une trappe ménagée au milieu permettait le déchargement direct dans les bateaux. Depuis cette époque on enlève chaque année, pour l’entretien des chemins, 400 m3 environ des murgers, qui bientôt disparaîtront tout à fait.
On pourrait envisager à Guernes la possibilité de créer une usine à ciment analogue à celles qui existent à Guerville, Vetheuil, Dennemont. Cette dernière, donnant d’excellents produits, est située près de la limite du territoire de Guernes et tire la matière première nécessaire de la côte qui se continue, avec la même constitution, jusqu’au village de Guernes (environ 3 km).
Dans la commune, on trouve des industriels comme partout ailleurs pour les besoins de la population : deux charrons-forgerons, dont l’un a imaginé un système de bineuse primé aux concours agricoles ; un tourneur, un tonnelier, un boulanger, deux entrepreneurs de battage, etc.
Le commerce est actif à Guernes : les produits du sol sont enlevés soit sur la place où il y a trois marchés par semaine (mardi, jeudi et samedi), soit par des marchands qui vont à domicile ; on enlève ainsi les cerises, prunes, asperges, lapins, etc. Des marchands au panier ou revendeurs vont porter les mêmes produits soit du côté d’Evreux, soit du côté de Gisors. Les petits pois sont généralement vendus sur les marchés de Bonnières et Mantes. La plus grande partie des produits est dirigée ensuite vers Paris ; les prunes vont en Angleterre. Il n’existe aucune foire dans la commune. On s’approvisionne de bestiaux soit chez les marchands, soit à la foire de Passy (Eure).
III. Esquisse historique
Étymologie, anciennes formes du nom
Toussaint Duplessis pense que le village de Guernes peut bien être d’origine celtique (Vern Monceau) ou d’origine teutonique (Varne) ; ce qu’il y a de plus certain, c’est que Guernes, nommé depuis dans des titres Garnes et Crênes, était appelé en 1141 Warnas et qu’un seigneur, Barthélémy de Louroy, le donna à l’abbaye du Bec.
En 1257, un autre seigneur, Hugues de Louroy, se désista de ses prétentions sur le patronage de la cure.
En 690, un seigneur d’Arthies laisse à l’abbaye de Saint-Denis, par testament écrit sur écorce, et passé à Arthies, les métairies d’Issou, de Porcheville, d’Hannecourt, de Guernes, la métairie d’Arthies, avec ses champs, prés, pâturages, eaux et cours d’eau, maisons, etc. Il fait aussi mention dans ce testament de l’Église Saint-Martin-de-Chaussy.
Il n’existe à Guernes aucun monument de l’époque ancienne, nul vestige des temps passés, si ce n’est quelques rares armes de pierres : haches, pointes de lances et de flèches, etc.
Époque antérieure à la Révolution - Fiefs
L’histoire d’une petite commune comme Guernes est bien voilée. Le village a passé bien inaperçu : il a subi et suivi, comme une simple dépendance, les fluctuations de domaines plus importants. Il fit partie longtemps du grand fief de la Roche-Guyon. Son territoire dépendait en partie de la forêt d’Arthies.
En 1208 ou 1211, Guy de la Roche, seigneur de la Roche Guyon, est investi par Philippe-Auguste du droit de chasse exclusif dans la forêt d’Arthies « sous réserve de notre droit ». Charles IV en 1326 donna cette concession à perpétuité. La Fournière, propriété de 83 ha faisait, selon toute probabilité, partie de la forêt d’Arthies. Un registre terrier aux archives d’Aincourt en fait d’ailleurs mention. C’est aujourd’hui une propriété close. Elle faisait partie du domaine du duc de la Rochefoucaud et de sa femme, la duchesse d’Enville (1716-1797). Elle appartint ensuite à leur gendre, Louis de Rohan-Chabot et à leur petit-fils Alexandre-Louis-Auguste (1808). À son décès, sa fille Anne-Louise-Zoé l’apporta en dot au comte d’Estournel. Après un partage définitif (Me Lebrun à Paris, 9 octobre 1819), le château, le parc de La Roche Guyon, des bois, des fermes sur la rive droite de la Seine, furent attribués au prince de Léon, chef de la famille, d’autres lots à des co-héritiers.
Les droits d’aînesse et de substitution n’existaient plus, la volonté du père pour la disposition de ses biens était restreinte et ne pouvait assurer à l’aîné qu’une prééminence insignifiante. Le lotissement de ce vaste domaine était, en ce pays, la première application éclatante du nouveau code civil et opérait le démembrement de la terre de La Roche Guyon. La propriété passa ensuite à leur gendre, marquis de Saint Aulaire, puis à M. Fournier, de Chérence (1856). Enfin, ce dernier la vendit en 1884 au propriétaire actuel M. Cazères.
Indépendamment de la Fournière, il existait à Guernes une autre propriété seigneuriale qui appartenant autrefois à la famille de Montgros.
Les registres de l’État civil mentionnent comme parrain (10 juin 1631) un Charles de Montgros, escuyer, seigneur de Flicourt. Le 7 février 1672, un de ses fils est nommé vicaire à Guernes même. Le 11 janvier 1706 eut lieu le mariage de Charles le Det (plus tard le Dept, Ledept, aujourd’hui Ledebt) fils de Robert, avec Madeleine de France, en présence de messire Georges de Mongros, escuyer, seigneur de Flicourt, lequel a signé.
Cette terre et ferme de Flicourt, ainsi que presque toutes les îles, firent plus tard partie du domaine de La Roche Guyon. Elle fut comprise, avec la Fournière, dans la déclaration de propriété faite par la duchesse d’Enville en 1793. Sa petite-fille l’apporta en dot au marquis de Castellanne. Nicolas Breton fit l’acquisition de la ferme par acte du 25 germinal an VI, son père Denis Breton en était fermier depuis longtemps. Elle passa à M. Poulain, puis à M. Cochin. En 1884, elle fut morcelée : la majeure partie avec la ferme fut achetée par M. Desportes Constant, fermier actuel.
Pendant toute l’époque féodale, le gibier causait beaucoup de dégâts ; aussi les villageois, désarmés pour n’agir contre le seigneur, prenaient des précautions et faisaient des sacrifices pour surveiller et défendre leurs biens. Ils se syndiquaient et, par acte notarié, donnaient pleins pouvoirs à l’un d’eux pour assurer la garde journalière de leurs propriétés.
« Du 7 mai 1690, par devant Ledept, notaire à Guernes, sont comparus… tous les habitants de la paroisse dudit Guernes et Sébastien Barquit, vigneron, demeurant au dit lieu, lesquels habitants ont donné pouvoirs au dit Barquit de faire la garde journellement dans toute l’étendue du territoire dudit Guernes, des prés, terres et vignes qui leur appartiennent pour empêcher les dommages des bestiaux et animaux des particuliers, habitants ou autres… lesdits habitants se sont obligés à lui payer deux sols par chaque arpent de terre que chacun possède » - « Extrait des minutes du tabellionage de Guernes ».
Guernes faisait partie autrefois de la paroisse de Saint-Martin (la Garenne) doyenné de Magny, diocèse de Rouen.
Depuis la plus haute antiquité : « La paroisse de Saint-Martin comprenait au XIe siècle outre Sandrancourt… le village de Dennemont et enfin la commune de Guernes toute entière, laquelle n’était alors qu’une chapelle ». « En ces temps Guernes, qui a été depuis établi en paroisse par la permission et bienfaits des abbés prieurs de Saint-Martin et couvent du Bec Helluin, n’était qu’une chapelle ».
Le prieuré de Saint-Martin devait donner chaque année 200 livres au curé de Guernes, lorsque ce village devint paroisse.
Aujourd’hui, et depuis longtemps, la fabrique de Guernes a des propriétés en la commune de Moisson. On trouve pour la paroisse N.-D. de Guernes : baux de terre de la fabrique passés le 26 avril 1788 par les marguilliers en charge. Ces terres proviennent de Georges de Bréval.
L’église est très ancienne ; elle a été consacrée le 24 juin 1520, mais elle a été refaite, en plusieurs fois, presque complètement. Le clocher a été refait tout récemment (Délibération du conseil municipal du 18 août 1817 qui a voté 1.103f,25 pour faire une tourre pour mettre la cloche de l’église).
L’autel a conservé un retable en chêne sculpté du XVIe siècle : scène de la Passion (80 personnages), surmonté d’un panneau peint représentant la vierge et l’enfant Jésus. Cette pièce a une grande valeur.
Formation territoriale
La constitution de la commune de Guernes à l’époque de la Révolution a été très laborieuse. Elle a donné lieu à des délibérations nombreuses, à des pourparlers longs et difficiles : il était probablement question de l’incorporer à une autre commune.
En vertu du décret des 20, 22 et 23 novembre 1790, qui indique les règles à suivre pour l’établissement de l’impôt foncier et détermine les sections, les propriétaires firent la déclaration de leurs biens pour les impôts de 1792. Ces déclarations sont aux archives de la mairie.
Guernes fut divisée en sept sections, formant 1 497 arpents 58 perches dont le revenu net fut fixé à 22 835 livres ; et le 5e à 4 567 livres. Pour la France entière, ce 5e du revenu net était de 300 000 000 livres.
La délimitation de la commune ne se fit pas sans tiraillement avec les communes voisines, comme le prouvent plusieurs délibérations. Ex. : « Ce jourd’hui cinq juin mil sept cent quatre vingt treize l’an 2e de la République, Nous, Maires officiers municipaux de la commune de Guernes et Saint-Martin-la-Garenne, nous nous sommes transportés et réunis l’un à l’autre à l’effet de fixer les abornements du territoire de chacune desdites communautés de manière qu’il n’intervienne aucune difficulté pour ce qui concerne nos démarcations et qui doivent servir à fixer la quote-part des impositions des deux paroisses auxquelles il pourrait se faire quelques changements, vu les difficultés qui ont existé jusqu’à ce jour entre l’une et l’autre. En conséquence, nous nous sommes transportés lieu-dit « au chemin de Mantes », pièce de terre plantée en vigne… »
La question ne fut pas tranchée du premier coup, car l’an 3e le 18 vendémiaire, le citoyen Guérin, commissaire, vient réclamer des états qui ne sont pas prêts, et les citoyens Pierre Hilaire Demaute et Jean-Philippe Prévost sont nommés pour dresser lesdits états. Le dix nivôse suivant, le conseil général de la commune leur alloue 54 livres pour ce travail et la rectification des déclarations de territoire.
Plus tard, pour la division au point de vue du culte, on trouve : « L’an douze de la République française, le vingt-huit thermidor, Nous, Maire de la commune de Guernes, canton de Limay, département de Seine et Oise, avons en conformité de la lettre du conseiller d’État, Préfet de ce département en date du seize thermidor présent mois, convoqué le conseil municipal de cette commune à l’effet de délibérer et donner son avis sur les localités et les circonstances qui pourront déterminer la réunion des communes susceptibles de former un seul territoire dépendant de la même succursale.
Le conseil délibérant sur l’objet de notre convocation, nous avons considéré que la commune de Guernes, composée de 550 habitants ou 160 feux, n’est susceptible d’aucune réunion d’après sa topographie. Guernes est à la pointe d’une presqu’île formant avec Véteuil et Follainville un triangle presque isocèle, dont ces deux dernières communes font la base. Il est dit presque isocèle parce que les deux côtés ne sont pas parfaitement égaux.
La commune de Guernes a bien non loin d’elle les communes de Rosni et de Rolleboise, mais la communication en est impraticable en hiver et très difficile en été. La Seine les sépare en trois bras entre Guernes et Rosni et un fort large entre elle et Rolleboise, ce qui rend le passage très incommode et coûteux même en été. Guernes n’a donc d’abords praticables que du côté de Mantes, Vétheuil, Saint-Martin et Follainville. Saint-Martin est placé entre Vétheuil et Follainville, formant la base du triangle. Guernes est à deux fortes lieux de Mantes, une et demie de Follainville, autant de Saint-Martin et deux de Vétheuil.
Tout murement examiné nous ne voyons qu’un seul moyen de faire de Vétheuil, de Saint-Martin, de Follainville et de Guernes, trois paroisses bien composées, faciles à desservir et dont les frais du culte ne seraient pas onéreux pour les habitants. Saint-Martin, étant au milieu et composé de différentes annexes, peut être supprimé et ses différentes portions annexées aux communes dont elles sont le plus voisines. Sandrancourt, hameau à trois quarts de lieue de Saint-Martin, à une demi-lieue de Guernes, également à la pointe de la presqu’île, resterait uni à Guernes. Saint-Martin a une demi-lieue de Vétheuil ferait partie intégrante de Vétheuil, et le Coudray, annexe de Saint-Martin, resterait à Follainille qui n’en est éloigné que d’un quart de lieue et demi. » Signé : Gobert, Maire.
Guernes, alors du canton de Limay, avait été primitivement (an deux) rattaché au canton de Mantes.
Administration communale pendant la Révolution - Mœurs
L’administration de la commune à Guernes ne fut pas une sinécure, et l’on trouve au registre copie de la lettre suivante : « Mantes 25 Baire an 9. Le Sous-préfet de l’arrondist. dépt. de Seine-et-Oise, aux Maires des communes de l’art. Le Gouvernement, citoyens, désirant être informé jour par jour de la situation de l’art., vous voudrez bien me faire votre rapport de tous les délits ou autres faits remarquables qui pourront se produire dans vos communes, aussitôt que la connaissance vous en sera parvenue.
J’attends de vous l’exactitude la plus suivie à satisfaire aux dispositions de la présente », que tous les Maires ont dû recevoir.
Le Maire, à Guernes, n’avait pas attendu des ordres pour dresser un procès-verbal de tous ces faits. Un registre, commencé en 1792, fait mention de tous les délits, faits divers, d’administration ou autres.
Le service de garde champêtre fut réorganisé. Ce ne fut en effet que la réorganisation d’un service déjà ancien comme on l’a vu (1690) à propos des dégâts du gibier. Plus tard, on nomma des messiers.
Différents systèmes furent adoptés pendant la Révolution ; tantôt on nommait un garde qui prêtait serment, tantôt chacun faisait la garde à tour de rôle, témoin cette délibération : « L’an sept République française, le vingt-trois floréal, nous agent et adjoint et autres habitants de la commune de Guernes, canton de Mantes et dépt. de Seine-et-Oise étant réuni au lieu destiné pour servir à constater l’état actuel des citoyens, pour prévenir tout abus ou tort que les malveillants pourraient causer sur le produit des productions d’autrui. Et après avoir entendu prononcer par l’agent les paroles rapportées à l’art. cinq de la déclaration des droits de l’homme « La propriété est le droit de jouir et de disposer de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie, et autres paroles contenues sur les devoirs de l’homme ». C’est sur le maintien des propriétés que repose la culture des terres et toutes les productions du travail des propriétés. Et arrêtons à cet effet pour prévenir tout abus sur les productions d’autrui qu’il partira à compter du vingt-quatre floréal à commencer par les sieurs Francois Demantes et Alexandre Dufour, et ainsi de suite en faisant le tour de la commune. Et après le tour fait, on recommence par ceux qui ont deux vaches, et après le tour fait on recommencera par ceux qui en ont trois, et quatre et toujours de même jusqu’au vingt et un brumaire an huit. Et tout citoyen à son tour sera garde champêtre et sera tenu de garder les propriétés suivant les lois rendues et à rendre à ce sujet. Et, en outre, il sera pris copie du présent sur papier de soixante et quinze centimes et porté à l’enregistrement au bureau de la Roche-sur-Seine et déposé entre les mains du sieur juge de paix du canton de Mantes extra-muros. Fait etc. ».
Et cette autre pour la réception d’un garde champêtre : « Ce jourd’hui seize février mil huit cent six à l’issue de la grande messe paroissiale… étant assemblé, s’est présenté devant nous le sieur Jean Caprix, domicilié en la commune de Moisson, pour être reçu garde champêtre de notre commune à partir de ce jour jusqu’au 1er décembre et pour le prix et somme de un franc vingt-trois centimes par vache, autrement dit bêtes à cornes. Le susnommé étant muni du certificat de sa commune représentant son honnête conduite, nous l’avons accepté pour garde champêtre aux conditions susdites et pour le temps spécifié… ».
Les procès-verbaux, déclarations, etc., sont nombreux dans le registre, tous plus drôles et naïfs les uns que les autres : on y appelle les choses par leur nom. En voici quelques exemples.
« L’an deuxième de la République, le dix floréal, suivant le rapport de Antoine Michau garde champêtre de ce jour sur les neuf heures, faisant sa tournée a trouvé dix à douze vaches du hameau de Sandrancourt pâturant sur notre territoire ; l’aient voulu renvoyé et payé l’amende ont refusé et crié à eux. Étant survenu le sieur Cointrel Nicolas dit Vautru, lequel s’est jeté sur ledit garde champêtre et lui avait dit plusieurs paroles injurieuses et il l’a frappé. Fait et arrêté en notre bureau an ci-dessus. Signé Gobert, Maire. »
« L’an mil huit cent onze, le six février s’est transporté le sieur Pierre Paul Legendre cultivateur à Guernes devant la porte du domicile de Elisabeth Corbonnois, veuve Mar, cultivatrice à Guernes. Lequel lui a dit des paroles injurieuses avec beaucoup de menaces ainsi qu’à ses filles en les menaçant de les frapper. Ledit Legendre promet et s’oblige à ne jamais dire, ni médire, ni faire aucun mal, ni vengeance à la dite Vve Mar sus énoncée, ni à ses filles. En foi de quoi il a signé le présent ».
D’autres encore que la politesse et la décence ne permettent pas de transcrire. On en trouve « Pour avoir fait du bruit à l’église pendant l’office étant pris de vin ». Et celui-ci : « L’an XI de la République ce jourd’hui dix sept prairial, en vertu du tribunal de paix du canton de Limay qui condamne le nommé Jean-Philippe-Lazar Hébert à une amende de la somme de douze sols pour payer une bouteille de vin pour n’avoir point été à vêpres le jour de la trinité » (Il n’est pas dit si le délinquant en aura sa part !).
Ce dernier extrait indiquerait que Guernes fait, dès l’an onze, partie du canton de Limay.
De nombreuses déclarations sont de véritables reconnaissances de paternité : « Commune de Guernes, s’étant transporté par devant nous Renoult, Maire de cette commune, Catherine Bréval, veuve Denie Ledait dit Baron, accompagnée de sa fille Catherine Ledebt, habitant chez ladite Bréval, laquelle m’a déclaré ce jourd’hui qu’elle se trouvait embarrassée de quatre mois et demi des œuvres de Eustache Legendre, natif de Guernes, domicilié chez son père demeurant à Guernes, garçon de Antoine Legendre et de Geneviève Legendre ses père et mère. Ladite déclaration faite le 18 7bre 1815. »
« L’an mil huit cent trente-cinq, le 25 avril, est comparu devant nous François Fouet, Maire de la commune de Guernes, le sieur Talbot Jean-Bte qui nous déclare que sa fille Elise Talbot, âgée de 23 ans, se trouve enceinte de quatre mois du fait de Lubin Hottot, âgé de 22 ans, étant pour partir comme soldat. Lequel jeune homme nous a déclaré que c’était bien lui, que la demoiselle était enceinte de son fait ». Les sieurs Talbot et Hottot signent la déclaration.
Ces déclarations commencent avec le registre : « L’an mil huit cent quatre-vingt treize, le cinq juillet, les Maire et officiers municipaux étant assemblés… se sont présentés les citoyens Jacques Joyes… et Jean Gritte… Ledit Joyes nous déclarant que sa fille, âgée d’environ dix-huit ans, a accouché ce jour d’une fille qu’elle a dite être des œuvres de Jean Gritte qu’il a reconnu véritable et a consenti la recevoir chez lui comme étant son propre enfant et a consenti qu’elle soit baptisée à son nom… ».
À remarquer aussi « la nomination d’un marguillier (31 Xbre 1809) par les Maire, conseil municipal et habitants assemblés au son de la cloche au ban de l’œuvre pour nommer un marguillier de notre fabrique pour en remplir les fonctions, faire payer les rentes, renouveler les titres… Nous avons choisi Jean-Bte Ledebt ».
Tous les ans un arrêté dit ban de vendanges indique l’époque et l’heure auxquelles les vendanges auront lieu et énonce les peines auxquelles s’exposeront ceux qui ne l’observeraient pas : « L’an deuxième de la République française une et indivisible et impérissable, séance publique du dix-huit fructidor. Nous Maire, officiers municipaux, agent national, conseil général et autres citoyens de la commune de Guernes, étant assemblés en la maison commune dudit Guernes pour prendre un jour pour aller à vendange. Après avoir entendu la voix de plusieurs citoyens, lesquels citoyens ont dit et résolu qu’il serait urgent et même nécessaire d’attendre jusqu’au vingt quatre fructidor et dix septembre (…) arrêtons que tous citoyens qui seront trouvés auparavant seront condamnés à dix livres d’amende au profit des huit hommes de ladite commune qui seront de garde à commencer ce jourd’hui par la maison du citoyen André Renous… »
À la fin de l’an IIe (jours complémentaires), un incendie considérable faillit détruire le village entier. Des secours furent demandés à la convention et obtenus après enquête : « Ce jourd’hui huit germinal en trois République française une et indivisible, sont comparus les citoyens Legay frères, experts pour les maisons et bâtiments détruits et dévastés, et les citoyens Michel Fouet, Nicolas Lecouflet, autres experts nommés pour les meubles, effets, foins, grains, vins, boissons, légumes, bois et cetera, qui ont été brûlés, consommés par l’incendie arrivé le quatrième jour des sans-culotides dans notre commune… ».
À remarquer aussi les délibérations pour la recherche du salpêtre, la fourniture de seigle et grains pour les communes qui n’en récoltent pas : « Le 28 messidor an II, un citoyen Finet vient chercher pour Véteuil quinze quintaux (c’est la première fois que ce terme nouveau est employé) de seigle, faute par les officiers municipaux d’être déclarés suspects et arrêtés, suit la liste des habitants avec les quantités qu’ils doivent fournir. Quelques jours auparavant, le 22 messidor, on trouve la copie d’un arrêté fixant le salaire des ouvriers qui coupent les récoltes ».
Le premier drapeau tricolore de la commune a aussi son état civil : « L’an trois de la République française, une et indivisible, nous Maire, officiers municipaux et conseil général de la commune de Guernes, autorisons l’agent national de notre commune à faire placer une branche de fer sans croix et une girouette au bout. Et d’acheter une aune de toile et la faire peindre des trois couleurs et il lui en sera tenu compte et de la faire placer sur notre clocher, ainsi a été arrêté en notre commune le vingt-six brumaire an ci-dessus. »
Le maire avait encore pour mission d’assembler les habitants et de leur faire lecture des lois et décrets de l’assemblée nationale. Il fit vendre les biens du clergé qui se composaient seulement à Guernes de la récolte en luzerne du jardin de la cure : « Ce jourd’hui, six du mois de prairial, l’an 2e , etc., nous agent nle de la commune de Guernes, district et canton de Mantes hors les murs, arrêtons savoir : que décadi prochain il sera procédé après la lecture des lois et décrets au temple de lestre supresmes à la vente et adjudication définitives au plus offrant et dernier enchérisseur de la récolte de quarante cinq perches de terre en luzerne et bourgogne provenant du jardin de la cure de la commune, le tout argent comptant au profit de la commune, etc. »
Le curé de Guernes fut réfractaire à la constitution civile du clergé, comme le témoigne la délibération du 25 juin 1793 dans laquelle le maire et les notables donnent pouvoir au procureur de la commune de faire par huissier opposition entre les mains du citoyen Ferton, receveur du district, sur les deniers provenant de la cure de Guernes pour payer le citoyen Claude Langlois desservant par suite de la désertion du citoyen Charles Giron ci-devant curé de ladite paroisse.
Le Maire était encore chargé par la constitution, de la rédaction des actes de l’État civil : « Ce jourd’hui vingt janvier mil sept cent quatre-vingt treize, l’an deuxième…. avons convoqué une assemblée générale de la municipalité à la diligence du citoyen Romain Boiste procureur. Dans ces conditions avons délibéré faire la nomination d’un officier public pour constater les actes de naissance, mariage, publication de mariage et décès, conformément à la loi du 20 7bre 1792, et avons nommé à cet effet le citoyen Miche Fouet, lequel a accepté d’en bien remplir les charges et en témoigne sa reconnaissance à l’assemblée, et avons signé ».
Le dernier acte de baptême dressé par le curé est du 2 novembre 1792 ; et quoique non officiellement nommé « l’officier publique » dresse son premier acte le 30 9bre 1792. Le Maire avait donc fort à faire, et la chose publique devait lui prendre la plus grande partie de son temps.
Il était nommé par le Préfet et devait prêter serment : « Le trente prairial an VIII de la République… s’est présenté le citoyen François-Augustin Gobert, marchand de vin en la commune de Guernes, lequel a été nommé et choisi par le Préfet du dépt. pour remplir les fonctions de Maire en ladite commune dont il prête serment à Michel Fouet, agent sortant de fonctions. Je jure d’être fidèle à la constitution précédente ».
Après la restauration, la nomination se faisait dans les mêmes formes pour le Maire et l’adjoint, l’un prêtant à l’autre le serment dont suit la formule : « Je jure et promets à Dieu de garder obéissance et fidélité au roi, de n’avoir aucune intelligence, de n’assister à aucun conseil, de n’entretenir aucune ligue qui soit contraire à son autorité. Si dans le ressort de mes fonctions j’apprends qu’il se trame quelque chose à son préjudice, je le ferais connaître au roi de suite ».
État actuel : institutions communales - Conclusion
Comme dans toutes les communes, un bataillon de garde nationale fut formé à Guernes le 14 juillet 1793 avec François Demantes pour 1er capitaine. Son successeur, Gobert, fut élu le 21 germinal an XI. Ce capitaine prêtait serment. On trouve la trace de cette formalité pour Paul Ledebt (23 avril 1831).
Une compagnie de sapeurs-pompiers fut créée au commencement du siècle. Mais elle n’eut de pompe que le 21 mars 1836 et, depuis cette époque, fut plusieurs fois réorganisée.
Elle a actuellement pour officiers et sous-officiers MM. Duval, Ledebt Émile, Dubois, et se compose en grande partie de jeunes gens dévoués et actifs. Tous se perfectionnent courageusement et effectuent de fréquentes manœuvres en y apportant une attention et un zèle soutenus. Ils en trouvent la récompense dans les nombreux prix qu’ils obtiennent chaque année dans les concours, rivalisant avec les Cies de villes importantes et souvent même se classant en première ligne. Leur dernier succès est un prix d’honneur, remporté en 1re Division sur des concurrents nombreux et d’une grande valeur.
La commune de Guernes joint l’agréable à l’utile : elle a aussi sa société musicale. Fondée en 1868 par M. Dufour, réorganisée par M. Lenoir, directeur actuel, la « Lyre Guernoise » ne le cède en rien à la Cie de sapeurs-pompiers sous le rapport des succès nombreux et mérités par son travail suivi. Dans tous les concours elle se fait remarquer par sa valeur, quoique formée par un nombre d’exécutants malheureusement un peu faible.
Ces deux sociétés donnent ainsi un peu de gloire et un bon renom à leur village ; aussi la population leur en est reconnaissante et les soutient de tout son pouvoir.
Un mot pour terminer du Bureau de bienfaisance fondé il y a soixante ans, grâce à un généreux donateur et qui, administré par des personnes sages et justes sait trouver, malgré ses faibles ressources (470 F de rentes), le moyen de venir en aide aux indigents d’une façon régulière et intelligente : dons de pain, de viande, médicaments, soins médicaux, bois, habillements, etc.
La commune est donc actuellement dans une situation assez prospère. Les rues, bien entretenues, sont éclairées par une série de réverbères dont l’installation remonte à une dizaine d’années.
Sa position, les habitations bourgeoises qu’on y construit, son peu d’éloignement de la gare de Rosny, la pêche, la chasse, commencent à y attirer un certain nombre de citadins heureux d’y trouver tous ces avantages et de pouvoir, à bon compte, s’y distraire en se reposant des fatigues de la vie des villes.
Au point de vue financier la commune pourrait désirer une amélioration, car les habitants sont relativement chargés d’impôts. Néanmoins, tout le monde, étant plus ou moins propriétaire, et vu le genre de culture, peut vivre de son travail ; il s’y trouve évidemment des familles peu aisées, mais il y a peu d’indigents, et chacun peut se tirer d’affaire avec de l’ordre, du travail et de l’économie.
V. Instruction publique
État de l’enseignement dans la commune depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours
L’impression ressentie en voyant divers documents souvent sans suite et sans rapport entre eux, mais qui néanmoins donnent quelques indices au sujet de l’instruction, est que la population de Guernes a toujours attaché beaucoup d’importance à l’instruction de ses enfants.
Aujourd’hui encore, et peut-être plus que jamais, l’intérêt avec lequel les parents suivent les études de leurs enfants indique cet état d’esprit. Il y aurait bien des critiques à faire sur la façon dont se manifeste cet intérêt, mais néanmoins personne n’est indifférent pour l’instruction.
Cela est vrai actuellement et l’a été dans des temps déjà reculés. À l’époque où le curé avait la toute puissance, où pour lui l’instituteur était quantité négligeable, où dans bien des communes il n’avait aucune considération, la population de Guernes soutint énergiquement le « maître d’école » contre le curé, et cela malgré l’idée religieuse qui faisait alors du prêtre un être à part et presque infaillible (voir ci-après Gobert, Bénard).
La maison d’école se ressentit un peu de cet esprit de la population. Alors qu’en bien des endroits l’école se faisait dans une sorte de taudis, grange mal close, à peine couverte, sur l’aire, la maison d’école de Guernes a toujours été un lieu très habitable.
Vers 1750 ou 1770, le presbytère avait été affecté à l’école, le curé préférant un autre logement. La classe se faisait dans une pièce doublée par la suppression d’une cloison. Elle était bien éclairée. Le maître avait une table carrée et une chaise ; les élèves, assis sur des bancs autour de la pièce, avaient sur les genoux une planchette où ils posaient une main de papier. Le maître réglait une page, faisait un modèle que l’élève imitait. La férule était en honneur : elle était lancée dans la direction du bavard qui la rapportait, un certain nombre de coups sur les doigts payaient la commission (l’expression « savoir sur les ongles » vient probablement de cette coutume alors presque générale).
En 1792, les grands élèves eurent des tables pour écrire ; les plus jeunes, qui ne font que lire, continuent à se servir de bancs.
On trouve sur le registre mentionné déjà la déclaration ci-après du nouveau Maire Gobert, à qui l’ancien fait la remise des objets communaux : « Le même jour que ci-dessus (30 prairial an VIII), j’ai reçu du citoyen Michel Fouet agent et Philippe Prévost adjoint, les registres et papiers relatifs aux affaires de notre administration, plus quatre tables à écrire servant à la classe des enfants, plus deux petites tables à écrire servant à la chambre commune et à la classe (c’est probablement le bureau du maître) de l’école, idem huit chaises servant à l’administration de notre commune, plus neuf bancs servant à l’instruction des enfants. Fait double et délivré au citoyen Michel Fouet sortant de fonctions, fait à Guernes… ».
Plus tard, en 1825, l’instituteur permute avec le curé (le presbytère avait été réparé et se trouvait sur l’emplacement actuel, plus à proximité de l’église). L’école se fit donc dans la maison Lesigne, aujourd’hui annexe d’un débit de vin. Comme matériel, des tables carrées pour les enfants qui apportaient du papier blanc et de l’encre. Ils n’avaient que deux livres : « La Croix de Dieu » et un autre pour les élèves lisant couramment, « L’ancien Testament ».
Des tableaux muraux de lecture furent introduits dans l’école en 1830 ou 1832. Les tableaux noirs y étaient inconnus avant 1840. Les tables, encore en usage aujourd’hui, furent faites par un menuisier de Guernes en 1842.
On enseignait alors à l’école, outre la lecture et l’écriture avec le calcul, comme autrefois, l’histoire et la géographie ; les cahiers étaient employés ; le maître procurait les fournitures scolaires aux élèves ; la classe se faisait de façon plus régulière.
Une école neuve, l’école actuelle, fut bâtie en 1867-69 sur l’emplacement de l’ancien cimetière. Elle est indépendante de la mairie. En 1882, la salle de classe fut agrandie et une cloison placée au milieu la partagea en deux salles, l’une pour les garçons, l’autre pour les filles.
Comment les maîtres étaient recrutés, rétribués, ce qu’ils enseignaient et les connaissances qu’on exigeait d’eux, leurs fonctions diverses, etc.
Le registre des déclarations porte (folio 1er) : « L’an deuxième de la République française une et indivisible.
Nous, Maire, agent national, officier et conseil général de la commune de Guernes, comité de surveillance de notre dite commune, etc.
Étant assemblé au temple de la Raison, s’est présenté le citoyen Noël Charles François Ozanne, demeurant à Mantes. Et nous ayant fait la soumission pour être instituteur des deux sexes dans notre commune, de leur apprendre à lire, écrire et l’arithmétique, conformément au décret de la convention nationale, lequel a été accepté par ladite commune et avons signé le trente germinal en 2e républicaine… signé : Gobert, Maire, P.H. Demantes (ancien maître d’école) et une vingtaine de signatures, plus une + (marque de Jules Fabre). Désigné sous le nom de Ozanne Hozanne, cet instituteur signe : Ozenne. »
Au folio 81, « acte de délibération fait l’installation d’un instituteur pour instruire les enfants de cette commune.
Nous agent et adjoint municipal de cette commune ayant requis le citoyen Homo, domicilié en cette commune, avec la plus grande partie des habitants de cette commune à l’effet de faire instruire les enfants de ledit lieu. Le citoyen Homo nous ayant demandé la location franche et nous ayant déclaré qu’il ne demandait aucun fices (?) ni gages, tout ce que le citoyen Homo demande que tout père et mère qui enverront leurs enfants de lui envoyer ce qu’il leur sera possible et à leur pouvoir afin qu’il puisse vivre en remplissant son devoir autant qu’il lui sera possible ; à cet effet le citoyen Homo a accepté ladite délibération et a signé avec nous et il prie les pères et mères de lui envoyer leurs enfants depuis huit heures du matin jusqu’à onze et depuis une heure jusqu’à quatre de relevée. Le citoyen voulant se conformer au loi précédente et il s’oblige de faire les écoles journellement outre les jours de décady (?) afin de ne point s’écarter des lois ; lui ayant remis entre les mains ce qui est utile à l’instruction des enfants, fait et arrêté le onze floréal an sept de la République française une et indivisible. Et avons signé ». Suivent les signatures de Prévost, agent, Homo et vingt-quatre autres.
Le même Homo est élu secrétaire greffier « Le même jour et an ci-dessus (30 prairial an VIII) moi dit Gobert, nomme pour mon secrétaire greffier Jean-Marie Noël Homo pour en remplir les charges et contenus ».
Plus tard Homo demande un boisseau de grains par enfant :
« Aujourd’hui le cinq vendémiaire, l’an onze de la République française, nous Maire et adjoint et membre du conseil municipal de la commune de Guernes étant assemblés ce présent jour en la chambre commune pour déplacer un maître d’école, le citoyen Homo présent a déclaré en ce jour que ses intentions étaient de tenir les écoles sédentairement afin que les enfants soient instruit,s mais aussi dans l’instant le citoyen Homo nous a dit et déclaré qu’il voulait que les pères et mères s’obligent solidairement à lui donner par chaque enfant un boisseau de grains pour le cours de l’année précédente afin qu’il puisse vivre pendant le cours de cette année.
Nous, Maire, adjoint et membre du conseil municipal présent à ladite demande du citoyen Homo, avons trouvé que la représentation de l’objet spécifié ci-dessus comme juste et d’obligation de père et mère qui ont des enfants de faire leurs efforts, pour que lesdites écoles tiennent sédentairement pendant le cours de l’année de remettre au citoyen Homo ledit boisseau de grains et après toute lecture faite… etc. ».
Le situation de l’instituteur ne tarde pas à s’améliorer à Guernes, d’une façon sensible, ainsi que le montre la délibération suivante extraite du même registre :
« Le vingt-cinq thermidor, l’an onze de la République… vu l’urgence d’un maître d’école pour l’instruction des enfants, ayant eu connaissance que le citoyen Mellant Ravoissy, instituteur et maître d’école de Boury, département de l’Oise était dans l’intention de quitter sa commune pour se rendre dans la notre plus avantageuse ; l’ayant examiné, l’ayant trouvé rempli de talent et de science pour remplir la fonction d’instituteur en notre commune.
En conséquence lui avons accordé pour six annuelles la somme de trois cents francs sans comprendre les mois des écoles des enfants et quasuelle (?) tels que baptême, mariage et décès qu’il pourra se faire payer, laquelle et dite somme de trois cents francs sera répartie par chaque ménage à raison des facultés de chaque habitant pour percevoir ladite somme au cœilloir (?) qu’il sera rendu exécutoire par le sous-préfet de notre arrondissement, laquelle répartition sera faite par le Maire et autres habitants lequel dit Philippe Chanu se chargera de percevoir ledit rôle bon au dit instituteur, lequel instituteur entrera en fonction le huit vendémiaire prochain. Il sera accordé au dit maître d’école par chaque mois d’enfant à savoir la somme de cinquante centimes pour ceux qui commencent à l’alphabet et soixante et quinze centimes pour ceux qui commencent à écrire, et ainsi de suite. Ledit instituteur promet et s’oblige de commencer les écoles depuis huit heures du matin jusqu’à onze heures et de recommencer à une heure jusqu’à quatre ; il lui est accordé par chaque semaine un jour de congé qui sera le jeudi de ladite et présente semaine.
Fait et arrêté d’après lecture faite aux habitants de cette susdite commune, lequel a accepté ledit citoyen Ravoissy instituteur le présent acte de délibération fait… etc. »
Cette situation de l’instituteur peut être considérée comme excellente pour l’époque et devient moins bonne par la suite. Ravoissy quitta le commune en 1809, soit après les « six annuelles », votées par la précédente délibération, ce qui laisse supposer que son traitement n’a pas été maintenu. La rétribution scolaire aussi fut diminuée.
Un vieillard, M. Legendre Denis, jouissant de toutes ses facultés, se souvient de l’instituteur Leclerc (1815-1817), a fréquenté l’école de Ménard (1817-1828) qui dans un acte de mariage se déclare ami de l’épouse (1822). À cette époque, dit M. Legendre, on payait 0,25 F par élève débutant et encore on ne payait pas régulièrement à en juger par le nommé Michel Boiste qui devait à l’instituteur plus de 18 F, ce qui représente quatre à six années de mois d’école. On se libérait avec du bois, du vin, du boudin, des saucisses, etc. Jamais cependant à Guernes l’instituteur n’a été obligé d’aller à domicile chercher un morceau de pain, une mesure de blé, etc., comme cela s’est fait dans beaucoup d’endroits et par exemple à Sandrancourt (à trois km).
À partir de la loi de 1833, on trouve souvent trace sur le registre de délibérations du taux de la rétribution scolaire fixé à 1,50 F par élève de six ans et au-dessus, et à 1 F pour les élèves de moins de six ans.
Le successeur de Ménard, Alexandre Legrand, fut nommé à Guernes en 1828, à l’âge de dix-huit ans. Quelques années plus tard il s’y marie et fut reconnu au bout de dix ans (loi de 1833).
« L’an mil huit cent trente huit, le trente septembre, à midi, Nous, N. David, docteur en médecine, membre et délégué du comité supérieur du canton de Limay, afin de procéder à l’installation et à la prestation du serment du sieur Alexandre Legrand, instituteur primaire à Guernes, suivant l’art. 22 de la loi du 28 juin 1833 sur l’instruction primaire. Nous étant rendu à la maison d’école où étaient réunis M. le Maire, les membres du conseil municipal et les membres du comité local. La séance ayant été ouverte, ledit Legrand a prêté le serment suivant : « Je jure fidélité au roi des Français, obéissance à la Charte Constitutionnelle et aux lois du Royaume », ; après lequel nous lui avons délivré son installation et lui avons déclaré qu’il était régulièrement installé instituteur primaire communal de ladite commune de Guernes, et avons aussitôt levé la séance. Fait etc. »
Dans les mêmes formes le 14 7bre 1842 « Installation et prestation de serment du sieur Alexandre Trognon, instituteur primaire à Guernes qui a prêté le serment suivant : « Je jure fidélité au Roi des Français, obéissance à la Charte Constitutionnelle et aux lois du Royaume », après lequel nous lui avons délivré son installation, etc… ». C’est le dernier acte de cette nature, M. Trognon ayant rempli ses fonctions jusqu’en 1874 dans la commune de Guernes.
Quelques chiffres feront connaître l’amélioration croissante du sort de l’instituteur à Guernes.
D’après ce tableau, il est facile de voir que la situation matérielle de l’instituteur est devenue relativement bonne.
Des dépenses importantes ont été faites pour la maison d’école (construction et réparation) surtout en 1869 (20 000 F), 1891 (4 000 F) et1898 (1 500 F).
En résumé, d’après ce qui précède, on voit que le recrutement des maîtres après avoir été fait, antérieurement à la révolution par le curé, fut confié aux Maîtres des communes. Autrefois le curé ne prenait l’avis des habitants que pour la forme ainsi que nous le verrons par les documents ci-après. Il ne s’occupait pas de trouver chez le maître d’école des connaissances nombreuses et solides, pourvu qu’il sache le plain-chant et soit doué d’une belle voix, cela suffisait.
Malgré les défauts du recrutement, la population était instruite : en 1600, on trouve 25 % d’illettrés ; pendant la Révolution 1792-1798, à peine 10 % ; 5 % après 1833. Aujourd’hui, cette proportion est de zéro.
Population scolaire aux diverses époques
Aucune trace de la population scolaire, antérieurement à la Révolution, ne reste aux archives de Guernes.
Le registre des déclarations, folio 4, nous renseigne pour la première fois : « Noms des enfants des deux sexes de la commune de Guernes qui fréquentent l’école de l’instituteur de ladite commune à commencer le onze floréal an deuxième de la République française une et indivisible ». Suivent avec leur âge les noms de 32 garçons de six à onze ans (dont un de 11 ans) et de 21 filles du même âge, une seule de onze ans également.
Au folio 35, on trouve : « Noms des individus qui fréquentent les écoles dans la commune de Guernes, les 4 niveaux l’an 3e de la République française ». Suivent avec leur âge les noms des 51 enfants de six à onze ans, à savoir trois de onze ans, dix de dix ans, cinq de neuf ans, seize de huit ans, quatorze de sept ans et trois de six ans.
En 1832, soixante enfants fréquentent l’école, même proportion sous le rapport de l’âge ; en 1849, soixante dix élèves ; en 1876, soixante dix-neuf élèves ; en 1879, quatre-vingt trois ; en 1880, quatre-vingt ; en 1882, soixante sept dont 35 garçons et 32 filles ; en 1884, soixante douze : 32 garçons et 40 filles ; en 1886, soixante sept dont 33 garçons ; en 1896, soixante trois, dont 33 garçons ; et en 1899, cinquante neuf élèves dont 30 garçons et 29 filles.
Depuis quelques années, la population scolaire tend donc à diminuer. Les familles sont peut-être un peu moins nombreuses, mais la diminution, qui n’est par conséquent qu’apparente, tient surtout à ce fait que de 1875 à 1880, les enfants au-dessous de six ans (de trois à six ans) étaient admis à l’école. La femme de l’instituteur avait une gratification et s’occupait de ces jeunes enfants.
La première trace des instituteurs d’après les documents déposés à la mairie, et principalement d’après les registres de l’État civil, est de 1679.
Avant la Révolution, l’instituteur signait généralement les actes comme témoin et était désigné dans l’acte. Après cette époque, il signait quelquefois les actes et les écrivait toujours, ce qui permet de retrouver les dates d’entrée en fonction, à quelques jours près.
Avant 1679, ces registres qui remontent à 1588 sont presque illisibles et les actes y sont dressés succinctement ; ils ne mentionnent pas de témoins ou ces témoins ne sont pas qualifiés.
L’instituteur est désigné sous les noms de chantre (1679), clerc loye (1714), maître d’école (1716), clerc, maistre d’école ou d’ecolle (1736-1743), clerc laïque et vigneron (1744), maître d’escole (1772), clerc layq et maître d’ecolle (1788), instituteur (30 germinal an II).
Des difficultés nombreuses ont dû s’élever au sujet de ce maître, aux deux époques où il exerça, car trois assemblées ont eu lieu pour le confirmer dans ses charges (1744, 1770, 1771), ainsi que le prouvent :
1° Une copie collationnée de l’acte d’assemblée tenue en présence de M. Le Procureur du roi au baillage de Magny le 21 avril 1771 « pour terminer les troubles excités au sujet de la maîtrise des petites écoles, ledit sieur Procureur du roi ayant compté les voix et pesé les raisons tant des acceptants que des refusants, a été résolu par ledit acte que Pierre Hilaire Demante serait confirmé dans sa charge de clerc et maître des petites écoles de la paroisse de Guernes, conformément à ce qui avait été ci-devant décidé dans les assemblées des 2 août 1744 et 25 novembre 1770 ».
2° Le consentement donné par le grand Vicaire à ce que Pierre-Hilaire doit continué dans sa charge de clerc et maître des petites écoles de la paroisse de Guernes : « Et, à cet effet, nous lui donnons toute commission nécessaire pour l’exercer avec exactitude et conformément aux règles et aux devoirs de sa place » (11 mai 1771). Pendant la période révolutionnaire Pierre-Hilaire Demante joua un rôle prépondérant dans la commune ; il remplit diverses fonctions et son nom est fréquemment cité.
Gobert François-Auguste, nommé le 10 8bre 1775, eut aussi beaucoup d’ennuis et donna bien du mal à l’archevêque de Rouen et au curé de Linetz pour arranger ses affaires : requête présentée à l’archevêque de Rouen par les marguilliers, syndics et principaux habitants de la paroisse de Guernes.
« Lesquels osent prendre la respectueuse liberté de représenter aux yeux de Votre Éminence qu’environ l’année mil sept cent soixante et quatorze ils auraient reçu pour maître des petites écoles aux garçons de leur paroisse le nommé François-Augustin Gobert, originaire de Pelincourt, sus ditVexin, pour lors âgé d’environ vingt-deux ans à vingt-trois ans, sans connaissance de ses mœurs ni de sa capacité.
Depuis ce temps il s’est marié à une veuve de ladite paroisse âgée d’environ soixante deux ans, laquelle au préjudice des enfants de son premier mariage lui a apporté un revenu honnête, duquel lui qui n’avait rien est devenu si présomptueux qu’outre ce bien, il a encore pris des baux assez considérables et entrepris des commerces qui ne lui permettent pas de pouvoir vaquer ni remplir les fonctions attachées à son état.
Au contraire, il le méprise puisqu’il ne tient point sa classe au plus le quart de l’année, encore le fait-il faire par des enfants qui ne savent pas plus que les écoliers, de sorte, Monseigneur, que toute la jeunesse demeure dans l’ignorance et passe le temps de jeunesse sans apprendre autre chose que le libertinage. D’ailleurs ces habitants étant tous vignerons, leurs travaux continuels les distrait d’avoir toujours leurs enfants sous leur vue, et que leurs moyens ne sont pas suffisants pour les mettre en pension ailleurs.
Ce considéré Monseigneur, de vos bontés ordinaires, il plaise à votre Éminence d’avoir égard au présent mémoire et de faire informer des faits énoncés ». 31 août 1783.
Enquête à ce sujet faite par le curé de la paroisse de Limetz, témoin synodal du doyenné de Magny ; déposition du curé qui déclare « qu’il n’a que de bons témoignages à rendre sur le compte de Gobert son maître d’école pour les garçons, tant du côté de son exactitude à faire les écoles que du côté de ses mœurs, sa piété, sa probité, sa manière d’instruire, sachant très bien son plain-chant et conservant la modestie dans le lieu saint » ; de marguilliers et habitants qui déclarent que le maître d’école « est un bon maître d’école, de bonnes mœurs et de bonne conduite » et que, s’ils ont précédemment dit le contraire, c’est qu’ils ont « été par le passé subtilisés » ; d’autres habitants qui déclarent « que le maître d’école est honnête homme, de bonnes mœurs, se comportant bien dans l’église, mais ayant trop d’emplois pour pouvoir faire les écoles » ; de Jacques Chanu, syndic, qui « reconnaît ledit maître d’école pour honnête homme et que, par le passé il ne s’est pas acquitté de son devoir » ; constatation que « la communauté ni la fabrique ne logeaient point le maître d’école et n’avaient pris aucun engagement vis-à-vis de lui » ; lecture de ces déclarations ayant été faite, « une partie s’est récriée, en disant qu’il ne voulait pas donner leur signe. »
- Sentence du Grand Vicaire qui confirme dans sa qualité de clerc laïque et de maître des petites écoles des garçons de la paroisse de Guernes François-Augustin Gobert, lequel devra remplir exactement et fidèlement toutes les charges et obligations attachées à cette place, « tenir assidûment son école, dont il annoncera au son de la cloche l’entrée et la sortie le matin et le soir de chaque jour aux heures qui seront déterminées par M. le curé en conséquence du nombre des enfants qui la fréquenteront, avec permission par lui de prendre : 1° par chaque semaine un congé le jeudi, s’il n’est survenu une fête pendant icelle ; 2° tous les ans six semaines de vacances, à savoir quinze jours pendant la récolte des foins et un mois pendant les vendanges » novembre 1783.
Visite de la paroisse en 1787 par le curé de Limetz, témoin synodal, commis par l’archevêque de Rouen « pour assembler les paroissiens au banc de l’œuvre, connaître des difficultés qui se sont élevées entre eux au sujet du maître d’école actuel, entendre leurs dires à charge et à décharge, du tout dresser procès-verbal ».
Comparution de François Augustin Gobert, maître d’école, « lequel a déclaré que, vu les désagréments qu’il éprouve depuis des années, il abandonnerait volontairement et dès l’instant la place de maître d’école et qu’il était prêt à signer, ce qu’il a fait après la lecture à lui faite de sa déclaration », de plusieurs habitants de la paroisse qui « vu la démission volontaire du maître d’école n’ont plus rien à désirer que de voir paraître un nouveau maître d’école qui remplisse exactement la place et les fonctions ordinairement attachées à ladite place de maître d’école ; reconnaissent aussi ledit sieur Gobert, maître d’école sortant, pour honnête homme, de bonnes mœurs et de bonne conduite. »
Gobert reconquit l’amitié de la population assez rapidement, car pendant la Révolution, ainsi qu’il a été dit dans la partie historique, il fut maire de la commune pendant plusieurs années.
Le nouveau maître réclamé dans le procès-verbal ci-dessus par les habitants aura fort à faire, car il résulte de ce qui précède et de ce qui va suivre que Gobert plaisait au curé par ses qualités de chantre et ne plaisait pas à la population vu qu’il ne faisait pas ou faisait mal sa classe.
Le successeur de Gobert résiste néanmoins pendant près de deux ans et aurait probablement tenu plus longtemps s’il l’avait voulu. Il ne plût pas au curé pour les raisons contraires et sans doute aussi parce que celui-ci lui gardait rancune de succéder à son homme de confiance. Il fut soutenu énergiquement par la population, mais il dû enfin céder après deux ans de lutte.
Cette lutte est évidente puisque, contrairement à ce qui s’était toujours fait, pendant toute la durée des fonctions de Martin Bénard, il ne remplit pas (probablement par le refus du curé) les fonctions de clerc, qui furent attribuées, les registres de l’état civil en font foi, à un nommé Lambert, pendant que Bréant, puis Rousseau étaient sous-clercs.
Quoi qu’il en soit, Guernes resta pendant huit mois sans maître d’école et le 10 février 1788, il y eut : « Assemblée en état commun », des marguilliers, syndic et principaux habitants de la commune de Guernes, « d’après la semonce faite à M. Christophe-Charles Giron, prêtre, curé de ladite paroisse, d’annoncer ladite assemblée aux prosnes (?) de la messe paroissiale dudit lieu, lequel a été refusant ; vu lequel refus, Mathias Boiste, marguillier en exercice, a sonné la cloche pour convoquer ladite assemblée… pour la réception d’un clerc laïc et maître d’école de ladite paroisse, laquelle a été vacante depuis la destitution du sieur François-Auguste Gobert ».
À cette assemblée s’est présenté « M. Martin Bénard, originaire et natif de la paroisse d’Hadancourt le haut clocher, susdit doyenné de Magny, actuellement maître d’école de la paroisse de Richeville, doyenné de Freceaux, Vexin normand, susdit archevêché de Rouen, lequel nous a présenté les certificats de MM. les curés des paroisses auxquelles il a exercé lesdites fonctions, au moyen desquels nous tous, d’une voix unanime, avons reçu ledit M. Benard pour clerc laïc et maître d’école de notre dite paroisse, après l’avoir reconnu capable d’en remplir lesdites fonctions, lequel nous a promis et s’est obligé de s’en acquitter le plus fidèlement et exactement qu’il lui sera possible ; et nous lui avons accordé pour jour de congé le jeudi de chaque semaine non empêché par quelque fête, auquel cas il n’y aura point de congé ».
Cette pièce prouve que le curé de Guernes était hostile à la nomination d’un remplaçant de Gobert, lequel était demeuré à Guernes et aurait pu, à défaut d’autres, reprendre ses fonctions.
La lutte commence aussitôt, et un mois (!) plus tard, il est déjà reproché à Martin Bénard de ne faire que des ignorants !
Le 11 mars 1788, visite de la paroisse par le curé de Limetz, doyen du doyenné de Magny ; constatation par lui que « plusieurs enfants, même avancés en âge, et qui n’ont pas fait leur première communion, ont paru ignorer les premiers principes de la religion. M’étant informé de la cause d’une si grande ignorance, il s’est élevé des débats entre M. le curé de ladite paroisse et les habitants, lesquels m’ont présenté Martin Bénard, … sur la nécessité que je lui ai présenté ainsi qu’aux habitants de ladite paroisse de Guernes d’avoir un certificat de M. le curé de Richeville de sa religion, de sa vie et mœurs, ainsi que de sa capacité pour obtenir des lettres d’approbation ; il s’est élevé une émeute générale, parlant tous à la fois et disant qu’ils le garderaient malgré la volonté de M. le curé de Guernes et qu’ils se l’adopteraient pour leur homme de confiance et pour l’instruction de leurs enfants. Ne trouvant aucune disposition dans leur esprit et souvent interloqué, j’ai cru devoir me retirer ainsi que M. le Procureur du roi de Magni, présent à ladite assemblée. »
Martin Bénard ne resta néanmoins à Guernes que jusqu’à la fin de 1789.
État actuel - Faire connaître l’organisation pédagogique, la situation de l’établissement scolaire, l’installation. Cours d’adultes, conférences, œuvres post-scolaires, etc.
L’organisation pédagogique des écoles de Guernes est l’organisation départementale, à laquelle sont ajoutés l’enseignement de l’agriculture et celui du tir.
Les programmes sont suivis, et les élèves généralement intelligents font des progrès qui seraient encore plus appréciables si les parents savaient se priver plus qu’ils ne le font des services que peuvent leur rendre leurs enfants. Malheureusement ces services sont nombreux, vu le genre de culture, pendant presque toute l’année. C’est surtout à l’âge où les enfants comprennent et font des progrès rapides, vers onze et douze ans, que les absences sont plus fréquentes. Cette situation est regrettable et il faut espérer qu’elle s’améliorera.
Quant aux résultats obtenus dans les examens, nous laissons à qui de droit le soin d’apprécier l’école à ce sujet.
Depuis le 1er octobre 1882, Guernes et pourvu de deux écoles spéciales, pour les garçons et pour les filles. La population scolaire a plutôt diminué depuis cette époque et varie pour chaque école, entre 27 et 35 élèves.
La maison d’école de Guernes, garçons et filles, est située sur la place communale, au point de jonction des diverses rues de la localité. C’est la meilleure position du village. Elle est indépendante de la mairie et comprend sur la rue le logement des instituteurs avec, au-dessus, une sorte de clocheton où est logée la cloche.
En arrière se trouvent les classes, dans le prolongement l’une de l’autre ; autour de la maison, un jardinet séparé des cours par une grille. Les deux cours sont malheureusement très petites et la position de l’établissement ne permettra pas de les agrandir. Comme clôtures : des murs sur les côtés, une grille en devant et en arrière des constructions privées.
Les classes sont spacieuses, bien aérées et parquetées ; les murs sont peints à l’huile. La lumière arrive abondamment par quatre grandes fenêtres dans chaque classe. Les dimensions des deux classes sont 7,20 m x 6,55 m = 47,16 m2 x 3,90 m = 183,924 m3. Elles sont séparées par une cloison avec porte de communication.
Le matériel comprend d’abord six tables à six places dans chacune des classes ; ce sont des tables ancien modèle et qui ont plus de cinquante ans de service, c’est dire qu’elles sont en mauvais état. Elles auraient été changées depuis longtemps déjà si la commune, qui à deux reprises en a fait la demande sans résultat, avait pu obtenir une subvention du département.
Douze cartes Vidal-Lablache pour chaque école, des globes, compendium, tableaux muraux de lecture, etc., complètent l’ameublement avec la bibliothèque et le buste de la République.
En outre, à hauteur convenable, les murs sont revêtus d’ardoisine tout autour des deux classes, ce qui constitue des tableaux noirs très commodes ; ceci indépendamment des tableaux noirs mobiles.
Un portique pour l’enseignement de la gymnastique est installé dans la cour des garçons. Enfin un champ d’expériences a été mis par la commune à la disposition de l’instituteur.
La bibliothèque scolaire a été créée en 1863. Une somme de cent francs a été consacrée à l’acquisition du meuble et, depuis cette époque, la commune a voté des sommes assez élevées soit pour l’acquisition, soit pour la reliure des ouvrages. La population a fait le meilleur accueil à cette institution ; beaucoup de personnes ont lu tous les ouvrages que contient cette bibliothèque (environ 250).
Les cours d’adultes sont créées à Guernes depuis plus de trente ans. En effet, le budget de 1869 porte un crédit de 80 F destiné à rétribuer l’instituteur chargé du cours. Ce crédit fut porté à 100 F en 1875, chiffre qui est resté le même. En 1895, le conseil municipal a décidé que ce crédit serait partagé entre l’instituteur et l’institutrice et que les cours d’adultes seraient faits alternativement pour les deux sexes ; vingt à trente élèves fréquentent ces cours pendant quatre mois de sept heures à neuf heures du soir.
Des conférences publiques ont lieu pendant la même période depuis 1895, trois ou quatre chaque année, les unes avec projection, les autres sans projection. Les premières sont très suivies, peut-être trop vu les dimensions de la salle. En y comprenant les enfants de l’école, 250 à 300 personnes s’entassent dans un espace de cinquante mètres carrés et beaucoup ne peuvent entrer faute de place.
Un cours de musique vocale a été créé pour les deux sexes, enfants et adultes, par M. Réjoux, ex-artiste peintre à la manufacture de Sèvres, ex-directeur de l’orphéon de Sèvres, chevalier de la légion d’honneur ; ce cours donnera, je crois, de bons résultats surtout avec les enfants de l’école.
Le 1er janvier 1898, quinze jours après une conférence faite à Mantes par M. E. Lefèvre, une mutualité scolaire fut créée à Guernes. Cette société, approuvée par arrêté du 13 7bre suivant, porte le n° 251.
Aujourd’hui, elle compte trente membres et sa situation pécuniaire se trouvant excellente grâce à une subvention de l’État ce nombre augmentera rapidement. Cette institution est fort appréciée par la population et le conseil municipal a voté aux budgets de 1899 et 1900 une petite subvention qui sera d’un excellent effet.
Les statuts de cette société, qui est spéciale à Guernes, seront modifiés très probablement à la prochaine assemblée générale pour permettre aux adultes de quitter la mutualité de Guernes et d’adhérer à la mutualité de l’arrondissement, approuvée tout récemment, ou à une autre société analogue. Ils y trouveront, avec des versements un peu plus élevés, des avantages plus en rapport avec leurs besoins et notamment, en cas de maladie, des secours beaucoup plus importants.
Enfin, l’enseignement du tir est organisé depuis quatre ans. Les enfants prennent part à ces exercices avec beaucoup d’entrain ; des concours de tir ont lieu chaque année, et il est probable que les enfants sortis de l’école voudront continuer des exercices aussi utiles qu’attrayants. Tout fait donc supposer qu’une société de tir sera organisée prochainement.
Plan de la Monographie
Plan proposé par l'inspecteur d'académie de Seine et Oise pour la rédaction des Monographies communales
I. Plan général de la commune établi d'après le cadastre.
II. Partie géographique
§ 1 - Situation. - Communes limitrophes. - Population, étendue en hectares de la superficie territoriale. - Altitude. - Nature du sol. - Climat. - Relief. - Hydrographie. - Voies de communication (routes, chemins vicinaux, chemins de fer). - Particularités de la flore et de la faune.
§ 2 - Etat de la propriété. - Principales cultures. - Elevage du bétail. - Chevaux, boeufs, vaches, moutons, volailles, gibier, oiseaux, insectes. - Animaux nuisibles.
§ 3. - Industrie : mines, carrières, eaux minérales, fours à chaux et à plâtre, tuileries, briqueteries, poteries, scieries mécaniques, filatures, papeteries, distilleries, tanneries, industries diverses, etc.. - Commerce, direction des courants commerciaux; marchés et foires, leur importance.
III. Esquisse Historique
Etymologie. - Anciennes formes du nom. - Origines. - Temps préhistoriques. - Antiquité gauloise et gallo-romaine (monuments, instruments de l'époque, dessin si possible de quelques objets trouvés sur le territoire de la commune, coutumes ou usages) - du ixe au XVI ème siècle. - Moyen âge (Rpoque gallo-franque). - Epoque féodale (divisions administrative et judiciaire, etc...). - Temps modernes et époque contemporaine. - Monuments, châteaux, églises, mairie, fiefs, etc. - Grands faits, personnages remarquables qui ont illustré la commune, dans les lettres, les sciences, les arts, l'industrie, le commerce, l'agriculture, l'armée, la marine. - Administration des finances. - Développement économique. - Progrès de l'instruction, des institutions de prévoyance, de bienfaisance, etc... - Avenir possible de la commune. - Conclusion.
(Quelques vues, dessins ou photographies ajouteraient un grand intérêt a ces renseignements.)
IV. Instruction publique
Etat de l'enseignement dans la commune depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. (Description sommaire des divers locaux successivement affectés à l'école et, si possible, du mobilier.) - Comment les malices étaient recrutés, rétribués, ce qu'ils enseignaient et les connaissances qu'on exigeait d'eux, leurs fonctions diverses, etc. - Population scolaire aux diverses époques. - Tableau des instituteurs qui se sont succédé dans la localité, avec la date de leur entrée en fonctions et de leur sortie. (On pourra adopter, pour cette partie du travail, les divisions sui-vantes : I. Avant 1789. - II. Depuis 1789: 1° de 1789 à 18 i3; 2° de 1833 à 1850; 3° de 1850 à 1870; 1° de 1870 à nos jours.)
Etat actuel. - Faire connaltre l'organisation pédagogique, les résultats obtenus dans les examens, la situation de l'établissement scolaire, l'installation matérielle. - Cours d'adultes, conférences, oeuvres post-scolaires, etc.
V. Plan général de l'école et plan de la classe
Instructions pour l'exécution matérielle de la monographie
Toutes les monographies communales du département devant être reliées en volumes, il importe qu'il y ait uniformité dans'leur exécution. A cette fin, MM. les Instituteurs sont priés de se con-former scrupuleusement aux indications suivantes :
1° Les monographies seront établies sur du papier de 38 X 2e qui sera fourni par l'administration. Chaque auteur voudra bien, après avoir fait son travail préparatoire, et calculé approximative-ment le nombre de feuilles (4 pages) dont il aura besoin, en informer son collègue du canton. Celui-ci, après avoir reçu ce renseignement pour toutes les communes du canton, indiquera à l'Inspection académique le nombre des feuilles nécessaires pour le canton. Elles lui seront alors adressées et les intéressés pourront les retirer prés de lui.
2° On réservera, sur les d faces de chaque page, une marge de L centimètres; la partie utilisée pour le travail sera ainsi de 30X20.
3° Le recto de la première feuille (page 1) formera couverture et ne portera que ce titre : Commune d.......ou Ville d....... suivant le cas. Si l'on a pu se procurer une vue photographique d'ensemble du village ou de la ville, cette photographie sera placée au-dessous du titre.
4° Le verso de la première feuille (page 2) sera réservé eu plan d'ensemble de la commune. Ce plan sera dressé à l'échelle de 40.000 , jamais plus. Toutefois, cette échelle sera réduite si les dimensions de la feuille (30 X 20) devaient être dépassées. L'échelle sera indiquée dans le bas à gauche et la direction du Nord, dans le haut, à droite, toujours à l'intérieur du cadre. Toutes les indications écrites seront perpendiculaires a la grande dimension de la page.
5° Le texte proprement dit de la monographie commencera dans le haut du recto de la deuxième feuille (page 3) pour se continuer suivant les besoins. Si l'on a pu se procurer la photographie de quelque curiosité naturelle ou ce quelque monument ;ruines, château, usine, etc.), il conviendra d'intercaler ces photographies dans le texte à la place convenable.
6° Le plan de l'école occupera la dernière page de la .notice. Il sera dressé à l'échelle de 200 (0,005 par mètre), jamais plus. Comme pour le plais d'ensemble de la commune, cette échelle sera réduite si les dimensions de la feuille étaient insuffisantes. L'échelle sera indiquée dans le bas, à gauche; la direction du Nord, dans le haut, à droite, dans l'intérieur du cadre. L'épaisseur des constructions sera teintée eu noir. Les indications écrites seront perpendiculaires a la grande dimension de la feuille.
S'il existe plusieurs écoles dans la commune, les plans d'en-semble seront placés a la suite, chacun sur une page distincte.
S'il a été possible de se procurer une photographie des écoles, cette photographie sera disposée autant que possible à côté du pieu, sur la même page.
7° Chaque monographie sera datée et signée.
8° Les pages seront numérotées au crayon.
Le texte de cet article provient de Monsieur André Bréant, qui m'autorise à le reproduire sur ce site.
«Le contenu de son site internet qui n'existe plus faisait référence aux souvenirs de voyage de Elizabeth et Maurice Bréant. Ce dernier, enfant de Guernes, est partis en Indochine vers 1927 rejoindre sa sœur Madeleine professeur de mathématique. Instituteur lui-même, il a rencontré sa femme Elizabeth institutrice et eurent sept enfants.»