Histoire de l'église de Guernes et de l'abbé Grouet
Le 10 janvier 1924 : Guernes perdait son église du XVIème siècle
Le 10 janvier 1954 : Guernes avait une nouvelle église
Le 8 novembre 1957 : Décès de l'abbé Clément Grouet à l'âge de 46 ans
En effet, au début du XVIème siècle, à l'emplacement de l'église actuelle, une église Notre-Dame de l'Assomption avait été construite et finalement consacrée le 24 juin 1520.
L'entrée de cette église surplombait, d'environ 1,50 mètre, la rue principale qui conduisait à Rosny grâce au bac traversant la Seine.
Aussi, il fallait gravir un peu moins d'une dizaine de marches pour atteindre la porte de cette église.
Cette porte s'arrondissait d'un arc en plein cintre surmonté d'un fronton triangulaire et, au–dessus de cette porte, une rosace trouait la façade pour éclairer l'intérieur de l'édifice tandis qu'au sommet du pignon se détachait une modeste croix.
Cependant, accolé à la gauche de cette façade, un clocher, aux murs ajourés d'étroites fenêtres rectangulaires, carré à la base et dont le toit pyramidal s'ornait d'une girouette en forme de coq, dépassait nettement le faîte de la nef attenante.
Trois siècles plus tard, comme l'attestent les délibérations du Conseil Municipal du 18 août 1817, une grande partie de l'église et ce clocher nécessitent une sérieuse réparation. Malgré cela, cent ans après, et précisément le 6 novembre 1923, M. le Maire Ernest Boiste expose au Conseil Municipal « l'urgence des travaux à entreprendre pour la réfection de l'église. Le Conseil Municipal, après avoir pris connaissance de la lettre de M. Deschamp, architecte ... et estimant ses ressources insuffisantes pour entreprendre de gros travaux, a décidé :
- la réfection partielle de la toiture,
- la remise en état des murs en souffrance.
Le tout dans la limite des crédits votés... ». A travers ces lignes, le monument paraît fortement détérioré avec un toit laissant passer la pluie et des murs fissurés. De gros travaux seraient nécessaires, mais le manque de moyens conduit à prévoir seulement les plus urgents. Pourtant, ces travaux, même les plus urgents, ne s'effectueront pas.
En effet, le jeudi 10 janvier 1924, après l'Angélus de midi, le clocher s'effondre dans un bruit épouvantable et s'écroule sur la nef de l'église dont la voûte cède sous le poids des pierres ainsi projetées, ne laissant que des ruines.
Le 18 février 1924, la séance du Conseil Municipal signale ce sinistre puisqu'on lit dans le compte-rendu : « les travaux de démolition de l'église rendent celle-ci accessible à tous de jour comme de nuit ». Cette citation sous-entend que l'église est exposée au pillage. Aussi, le Conseil Municipal « décide de placer le retable dans la classe inoccupée de l'école jusqu'à nouvel ordre » ce qui constitue la première mesure de sauvegarde de cette œuvre d'art.
Cinq ans après, le 20 novembre 1929, le Conseil Municipal « consent à ce que le retable soit confié à la municipalité de Mantes » pour être exposé dans la collégiale « à condition toutefois qu'il reste constamment la propriété de la commune de Guernes ».
De même, dans sa séance du 8 novembre 1930, le Conseil Municipal arrête que « la commune fera un effort financier dans le but de restaurer les statues anciennes (Ste Vierge, St Jean) emmenées avec le retable, mais à condition expresse que ces œuvres d'art soient rendues à la commune qui en disposera à son gré ». Là encore, dans ces décisions des élus, il faut voir un souci de préservation mais aussi la volonté farouche de conserver la propriété communale de ces œuvres d'art, de défendre le patrimoine artistique local.
A propos du bâtiment de l'église, le registre des délibérations du Conseil Municipal, en date du 22 juin 1924, mentionne une facture de déblaiement et d'étayage de l'église. Puis, le 23 janvier 1925, les élus municipaux votent un emprunt pour « réparation à l'église » et enfin, le 25 novembre 1927, ils décident « la démolition de l'église ». Le bâtiment ruiné par la chute du clocher conduit à prendre cette décision radicale.
Pourtant, la démolition définitive de cette église ne se réalisera qu'après la Seconde Guerre Mondiale, en 1948.
L'action déterminante de l'abbé Grouet dans la construction de l'église actuelle.
Sans l'action déterminée et même opiniâtre de l'abbé Clément Grouet (1911- 1957), Guernes serait resté un village sans église.
Dans le bulletin paroissial de Guernes « Présence » de décembre 1953, l'abbé Grouet rendait compte lui-même de sa détermination en ces termes : « Le premier jour où je suis entré dans mon église en ruines, après avoir crocheté la porte et m'être avancé dans le dédale des poutres, des herbes et des gravats, la statue de la Vierge, renversée et brisée au pied de ce que fut son autel me bouleversa d'émotion et de peine.
Je formai alors le vœu de réparer cette offense à Marie et de rebâtir une église en son honneur ». Aussi, malgré les difficultés de l'après-guerre et l'absence de toute aide de l'Etat – car l'église de Guernes ne pouvait pas bénéficier des subventions réservées aux sinistres du conflit (1939-1945) – l'abbé Grouet, réduit à l'unique force de ses convictions, allait faire preuve d'une fermeté inébranlable pour atteindre son but.
En effet, les obstacles se multiplièrent au cours de cette entreprise et même dès le début. Assurément, dans sa séance du 5 mars 1948, le Conseil Municipal de Guernes donnait à l'abbé Grouet l'autorisation de faire procéder « à la démolition de l'église en ruines et à l'édification sur le même emplacement d'une église neuve » mais « à ses frais exclusifs » et sans « aucun remboursement de tout ou partie de ces dépenses » de la part de la commune.
Cette même délibération prévoyait que « tous les objets ayant concouru à la pratique du culte soit d'une manière directe ou indirecte dans l'église en ruines, ainsi que tous les objets et matériaux à provenir de sa démolition, qu'ils soient ou non par leur nature susceptibles de réemploi, seront laissés à la disposition de M. l'abbé Grouet, qui pourra, s'il y a lieu, échanger ou céder ceux reconnus inutilisables pour la nouvelle église mais à la condition expresse que le produit en nature ou en argent de tels échanges ou cessions soit intégralement et exclusivement réservé aux travaux et aux dépenses nécessitées par la reconstruction de l'église neuve ».
Ainsi, l'abbé Grouet ne pouvait compter sur aucun soutien financier de la commune et son entreprise se trouvait très encadrée par la municipalité qui lui laissait aussi la charge des démarches administratives.
Cependant, il bénéficiait de l'emplacement de l'ancienne église, et des objets et matériaux lui ayant appartenu, mais au profit seulement de la reconstruction de la nouvelle église.
Pourtant, dans sa séance du 18 mai 1948, M. Perraud Maire de Guernes informait son Conseil Municipal que la délibération du 5 mars 1948 avait été rejetée par la préfecture au motif que « le droit de propriété de la commune [sur son église] est indiscutable et imprescriptible ». Toutefois, dans ses séances des 8 et 9 juillet 1948, le Conseil Municipal de Guernes, en accord avec le préfet de Seine et Oise, renouvelle la convention passée entre la commune et l'abbé Grouet, à condition que la démolition et la reconstruction de l'église restent à « la charge entière de M. le Curé de Guernes à ses risques et périls » et qu'il soit responsable des « accidents qui pourraient subvenir ».
De plus, « la commune sera propriétaire des constructions au fur et à mesure de leur exécution » et « aura le droit, à l'achèvement, de demander les travaux complémentaires reconnus indispensables pour la conservation de l'église ».
Finalement, cette nouvelle convention a été approuvée par le préfet le 28 juillet 1948. A cause de ces difficultés administratives, « le maire et le conseil regrettent l'arrêt de la démolition à peine commencée et M. Perraud intervient « en vue de la reprise des travaux afin d'éviter de gêner la moisson ». Cette réunion du Conseil Municipal du 4 août 1948 « décide d'entretenir le chemin qui dessert l'île des Génouchets et demande que les premiers camions de gravats soient employés à renforcer [ce] chemin ». Malgré ce contretemps, la démolition de l'ancienne église de 1520 s'acheva le 25 septembre 1948.
Comment fut financée la construction d'une nouvelle église à Guernes entre 1948 et 1953 ?
Après l'effondrement du 10 janvier 1924, la démolition de l'ancienne église de Guernes, autorisée le 5 mars 1948, s'acheva le 25 septembre 1948.
Même si, le 7 novembre 1948, son excellence, Monseigneur Audrain, évêque auxiliaire de Versailles, bénissait et posait la première pierre de la nouvelle église, cette construction ne devait bénéficier d'aucune aide de l'État car la chute du précédent édifice ne résultait pas des dommages causés par la guerre de 1939-1945.
De même, la faiblesse des ressources communales ne permettait pas d'imaginer quelque assistance financière de la municipalité, c'est pourquoi le problème du financement de la construction de la nouvelle église apparaissait donc singulièrement difficile à résoudre.
Sans doute, les archives révèlent que, le 12 août 1949, les membres du Conseil d'Administration de l'Association Diocésaine de Versailles se sont réunis à l'évêché, sous la présidence de Monseigneur Roland Gosselin évêque de Versailles, lequel a donné ordre, à l'abbé Clément Grouet, chargé de la paroisse de Guernes, d'entreprendre la construction d'une église dans sa paroisse « où les offices doivent se faire dans une grange ».
Aussi, ce Conseil Diocésain décide « qu'il y a lieu d'envisager le financement de cette construction ». Par conséquent, « le Conseil décide, à l'unanimité, que l'Association Diocésaine émettra un emprunt de 5 000 000 de francs, en mille obligations de 5 000 francs, au taux de 5%. Le remboursement se fera sur vingt ans, par tirage, chaque année, d'une série de cinquante obligations. Le Conseil délègue Monsieur l'abbé Grouet Clément pour l'exécution de cette décision ».
Vraisemblablement, grâce à cet emprunt, les travaux, entrepris à partir du 9 mai 1949, permettent d'édifier arche par arche une solide ossature en béton armé. Pourtant, faute de ressources suffisantes, les travaux s'arrêtent peu après complètement jusqu'au ... 11 mai 1953 !
De fait, et en particulier entre 1949 et 1953, l'abbé Grouet, usant de toute sa conviction et de toute son énergie, va se dépenser sans compter pour réunir de nouveaux fonds. Notamment, il part en mission en France, pour aller solliciter les fidèles d'autres paroisses afin que par leurs dons ils participent au financement de la reconstruction de l'église de Guernes. Il fait aussi éditer, au format d'une carte postale, des centaines de cartes qui représentent l'église écroulée et le projet de la future église, pour collecter des dons de 15 francs afin de réunir des sommes de 450 francs, correspondant à la valeur d'un sac de ciment. De plus, des donateurs plus fortunés peuvent souscrire à la reconstruction de l'église de Guernes pour 10 briques (150 francs), un mètre cube de sable (600 francs), un mètre cube de pierres (1400 francs), une tonne de ciment (6 000 francs), un pan de mur latéral (50 000 francs), un demi arc de béton armé (100 000 francs) ; ces sommes plus importantes doivent parvenir bien sûr à l'abbé Grouet, par mandat postal, chèque bancaire ou chèque postal.
D'autre part, à partir de documents familiaux Roger, frère de l'abbé Grouet, écrit que ce dernier s'est donné pour objectif de « créer et organiser « LA FETE DES CERISES » [au profit de la construction du nouvel édifice] avec le soutien du maire, Monsieur Perraud, et de son conseil municipal ». Cette « fête des cerises » attire toute la population des alentours, d'autant qu'un service exceptionnel de cars amènent des participants depuis Mantes-la-Jolie et les rapportent en fin d'après-midi et de soirée. Le succès de cette manifestation populaire tient à la fois aux diverses attractions, comme par exemples l'élection d'une reine des cerises et de ses deux demoiselles d'honneur dotées de cadeaux (parfum, parure, manteau, somme équivalente au poids en cerises de la lauréate...) ou le concours de tir forcément plus masculin mais aussi à la possibilité de se restaurer sur place et encore aux prestations des vedettes qui, selon les années, se produisent en soirée tels Jean Nohain, parolier de centaines de chansons et animateur de variétés à la radio, le chanteur Georges Guétary, l'humoriste Fernand Reynaud ou les Compagnons de la Chanson ... et enfin aux orchestres en vogue qui animent le bal.
Malgré parfois des difficultés administratives, l'abbé Grouet n'hésite pas non plus à organiser des tombolas d'envergure comme celle du 20 décembre 1953, au capital de cinq millions de francs, mais dotée de lots prestigieux. Ainsi, chaque participant à cette tombola pouvait être l'heureux gagnant de la nouvelle voiture Panhard de six places, modèle de luxe DYNA 54, d'un scooter « Lambretta », d'un poste de télévision « Philips », d'un poste de radio « Pathé-Marconi », d'une mobylette, d'une bicyclette « La Perle », d'un aspirateur « Mors », d'un service à verres (50 pièces) de Baccarat ou de l'un des 500 autres lots. Il s'agissait, en effet, avec le produit de cette tombola d'aménager l'intérieur de l'église.
En 1957, Monsieur Marcel Perraud, maire de Guernes, écrira au sujet de l'abbé Grouet : « Il déploya de l'ingéniosité, de l'imagination, de l'audace même, en organisant des fêtes et des tombolas. Il a utilisé tout l'arsenal de la publicité [et même la radio] pour toucher le grand public, les humbles, pensant que les petites sommes font les grandes ressources. »
Il faut dire que, grâce à toutes les initiatives de l'abbé Grouet, le 11 mai 1953, les travaux avaient repris « et cette fois pour de bon ! » (Présence Bulletin Paroissial de Guernes numéro 1 de décembre 1953). En effet, désormais, l'avancement des travaux a permis d'installer deux nouvelles cloches, issues de la fonte du métal de l'ancienne cloche (enfouie sous un tas de foin pendant l'Occupation allemande de 1940 à 1944), l'une dénommée Ernestine-Julienne-Félicie pesant 530 kilogrammes donne la note la bémol et l'autre appelée Marie-Charlotte-Luce d'un poids de 270 kilogrammes carillonne la note do. Ces deux cloches ont reçu leur baptême de Monsieur le Chanoine Delanoue, Curé-Doyen de Limay, le 4 juin 1953. Ainsi, le 6 juin 1953, veille de la communion solennelle, à l'angélus du soir, les cloches se firent entendre pour la première fois depuis 1924 ! (D'après le bulletin paroissial Présence de décembre 1953).
Guernes avait donc fini d'être, ce qu'il fut pendant trente ans : un village sans église.
Trente ans après jour pour jour
En effet, trente ans après l'effondrement du clocher du 10 janvier 1924, c'est-à-dire le dimanche 10 janvier 1954, « par une matinée ensoleillée » ( « Courrier de Mantes » du mercredi 13 janvier 1954), la nouvelle église de Guernes construite à l'emplacement de l'ancienne fut consacrée.
Cette cérémonie exceptionnelle d'inauguration et de bénédiction se fit en présence de Monseigneur Renard évêque de Versailles (qui deviendra plus tard le cardinal archevêque de Lyon et primat des Gaules). La grande messe chantée fut célébrée par le chanoine De Bersaucourt, ancien élève de l'Ecole Polytechnique. Des scouts constituaient une garde d'honneur. Aux premiers rangs, d'une très nombreuse assistance, se trouvaient Monsieur Perraud, maire de Guernes, ses adjoints et conseillers municipaux et les maires de Follainville et Rosny-sur-Seine ainsi que Messieurs Leduc, Moreux, Prunier-Lecomte entrepreneurs.
Après l'évangile, l'abbé Grouet, curé de la paroisse, « exprima sa reconnaissance à tous ceux qui l'avaient aidé » (« Courrier de Mantes » du 13 janvier 1954) à construire cette église et considéra cette journée comme « une vision d'espérance [devenue] une réalité puisque la nouvelle église remplace la vieille ... effondrée le 10 janvier 1924 ; une vision de beauté car [dit-il] notre église est belle ; une vision d'amour puisqu'elle est le témoignage probant de tous ceux qui ont voulu nous aider ... » Il faut dire aussi que, pour cette cérémonie, à la demande de l'abbé Grouet et grâce à l'accord du cabinet du Secrétaire d'Etat aux Beaux Arts, la nouvelle église récupérait, à titre définitif, le fameux retable de la Passion du Christ du XVIème siècle, classé monument historique, qui avait été déposé provisoirement dans la collégiale de Mantes.
Ensuite, s'adressant à l'assistance, Monseigneur Renard souligna que cette construction apparaissait comme l'œuvre collective de la commune, du clergé, des fidèles, des entrepreneurs et des ouvriers.
Après le chant du Crédo et la fin de la cérémonie, « tandis que les cloches sonnaient à toute volée, égrenant leurs notes joyeuses dans la vallée de la Seine, la foule faisait à la sortie, à Monseigneur Renard, une sympathique manifestation de filiale reconnaissance » (« Courrier de Mantes » du 13 janvier 1954).
A l'issue de cette bénédiction solennelle de l'église et de la grand-messe, placé sous la présidence de Monseigneur Renard, un repas au prix de 1100 francs, service, vins et liqueurs compris, a régalé une centaine de convives, à l'auberge « Le bon accueil » du bac de Guernes, face à Rosny-sur-Seine. Après l'apéritif, le menu comprenait des hors-d'œuvre variés, une darne (ou tranche) de colin dieppoise, du chapon du Mans rôti, des haricots verts tourangelle, une salade de saison, un plateau de fromages, une crème glacée au caramel, la galette des Rois et une corbeille de fruits ; ce repas s'accompagnait de Muscadet, Côtes-du-Rhône, café et liqueurs.
Au dessert, Monsieur l'abbé Grouet, curé de Guernes, rappela en quelques mots les difficultés rencontrées au cours de la construction, souligna qu'entre lui et Monsieur Perraud, le maire « [c'était] l'entente cordiale », remercia Monseigneur Renard « d'avoir bien voulu bénir la nouvelle église » en lui offrant « un joli bouquet de fleurs » et exprima sa « reconnaissance pour les artistes, architectes, décorateurs, entrepreneurs et ouvriers ».
Monsieur Perraud « fit l'éloge du bâtisseur et de l'animateur de la reconstruction de l'église » c'est-à-dire de l'abbé Grouet. Enfin en terminant ce déjeuner, Monseigneur Renard dit à nouveau sa gratitude envers la commune, les entrepreneurs et les ouvriers mais aussi à « l'abbé Grouet qui pour avoir sa nouvelle église [a] tout fait, tout entrepris. »
Dimanche 10 janvier 1954 Guernes retrouve son église.
Une disparition inattendue et prématurée.
Sans doute, pour mener à bien ce combat de la reconstruction de l'église de Guernes, l'abbé Grouet a connu bien des difficultés ; les unes administratives, les autres financières avec des factures sans cesse majorées par l'inflation, l'envolée des prix, propre à cette période de la IVème République. Aussi, ce fut pour lui bien des soucis, des doutes, des échecs, des retards et forcément une lassitude certaine. Pourtant, « confiant dans sa vitalité, dédaignant les avertissements, il s'est aperçu trop tard que cet effort l'avait usé » écrivait Marcel Perraud, maire de Guernes, le 15 novembre 1957.
En effet, après une brève maladie, l'abbé Clément Grouet mourut, à IssylesMoulineaux, le 8 novembre 1957, à l'âge de 46 ans seulement!
Stupeur et affliction à Guernes où ses obsèques ont lieu le jeudi 14 novembre à 9h30, avant son inhumation à Saint Cyr l'Ecole vers 11h30. Le service religieux permit à Monseigneur Ménager, évêque de Versailles, de faire l'éloge de l'abbé disparu, « prêtre au coeur généreux et prévenant pour les siens, bon pasteur, guide dévoué pour ses paroissiens et ses amis. »
Dans son discours d'hommage, le maire de Guernes Marcel Perraud, souligna les qualités du bâtisseur qu'avait été l'abbé Grouet : humanité, intelligence et psychologie très fines, persévérance, ténacité, courage et goût des belles choses. Il rappela aussi que, par la force seule des mots et par son énergie, faisant appel à la générosité, il avait su collecter 15 à 18 000 000 de francs.
Il insista en disant que l'église Notre Dame de Guernes, oeuvre de l'abbé Grouet, embellissait le village par son élégance. Il fit état d'un témoignage en ce sens, en citant l'extrait suivant d'une lettre qu'il venait de recevoir : « Nous ne pratiquons pas le culte catholique, mais nous reconnaissons la valeur du disparu et les grands efforts qu'il a faits pour doter Guernes d'un monument de très bon goût. » Il donna toute la mesure que la valeur de la vie de l'abbé Grouet avait, à ses yeux, en affirmant : « Les êtres passent mais leurs oeuvres demeurent. »
Enfin, comme l'avis de décès mentionnait « de n'apporter ni fleurs, ni couronnes », il annonça qu'une plaque de reconnaissance serait apposée, au nom de l'abbé Grouet, à l'intérieur de l'église. De même, pour que l'abbé Grouet entre dans la postérité communale, il indiqua que le Conseil municipal, du 8 novembre 1957, avait décidé « que la rue qui part de la place et passe devant l'église se dénommerait désormais rue de l'abbé Grouet. »