Le général Patton libére Mantes-la-Jolie
L'historien Bruno Renoult raconte l'arrivée de Patton dans le Mantois.
Bruno Renoult raconte la libération de Mantes-la-Jolie (Yvelines). (©Publihebdos)
Dévasté le 30 mai par un bombardement américain, bientôt suivi d’un second, le centre de Mantes-la-Jolie (Yvelines) ressemble encore à une ville fantôme ce 19 août 1944 lorsque le Général Patton arrive sur les rives de la Seine. « Le centre-ville a été explosé, souligne l’historien Bruno Renoult. La mission des alliés était de détruire tous les ponts de la Seine. Ils balançaient des bombes à 3 000 mètres de haut. Cela a fait entre 400 et 600 victimes civiles. Nous n’avons toujours pas la liste complète. Sans parler des blessés qui se comptaient par milliers. »
Deux bombardements
Dommage collatéral, le centre-ville est détruit, de nombreux bâtiments historiques à terre, dont la mairie, mais la collégiale et la tour Saint-Maclou sont quasi miraculeusement épargnées. De nombreuses entreprises, pour la plupart réquisionnées pour l’effort de guerre allemand, ainsi que les dépôts ferroviaires font également les frais des bombes alliées.
« Il y a eu deux bombardements. Les ponts avaient été détruits dès le premier mais les Américains ne voyaient pas à cause des fumées. Ils voulaient être sûr. Il fallait séparer les deux rives de la Seine pour paralyser la logistique allemande en vue du débarquement. »
La mission est finalement pleinement réussie d’un point de vue militaire. Même la Kommandantur est détruite. Mais l’image des futurs libérateurs est sérieusement écornée par le nombre de victimes et alors que la plupart des habitants fuient dans les villages environnants, certains notables collaborationnistes, et ils étaient nombreux, en profitent pour décrier les méthodes américaines.
Les chars Tigre
La résistance, menée par le communiste René Martin, futur maire de Mantes-la-Ville, n’a alors guère les moyens de réagir. Les réseaux sont pour la plupart détruits par la Gestapo, plusieurs fusillés sont à déplorer et finalement, les Américains s’occupent eux-mêmes de détruire, par voie aérienne, les usines allemandes.
Le débarquement du 6 juin a lieu dans ce contexte de désolation. Durant l’été 1944, les chars allemands sont bloqués sur la rive droite de la Seine et doivent passer par Paris pour rejoindre la Normandie. D’un côté les chars Tigre Panzer des Allemands, de l’autre les chars américains du Général Patton. Ce dernier perce le front allemand à Avranches et remonte vers Paris. Le 19 août, il arrive à Mantes-la-Jolie en venant de Houdan et après être passé par Bréval.
« Personne ne croyait à l’arrivée des Américains car on ne voyait depuis plusieurs semaines passer que des chars allemands qui battaient en retraite. Finalement, il y a eu très peu de gens pour accueillir les libérateurs. »
Les Américains dans la ville. (©Bruno Renoult)La bataille du Vexin
L’arrivée de la division Patton se fait à grands coups de bulldozer dans la ville de Mantes-la-Jolie mais sans combat. « Le général Eisenhower lui avait donné pour mission d’interrompre le trafic fluvial sur la Seine. En arrivant à Mantes, il reçoit l’ordre de franchir le fleuve. C’est le début de la bataille du Vexin. »
La percée de Patton a visiblement surpris tout le monde, les habitants comme les occupants. Les Allemands, ainsi que les collaborateurs notoires, ont déjà pour la plupart quitté les lieux et seules quelques échauffourées viennent perturber l’avancée des Américains dans la région. Les militaires s’installent rive gauche et entreprennent dès le 20 août de traverser la Seine. Ils le feront à trois endroits : au barrage de Méricourt, en bateaux entre Gassicourt et Dennemont mais aussi à Rosny-sur-Seine / Guernes, grâce à un pont flottant. En même temps, des centaines de canons sont installés sur les bords de Seine pour protéger le passage des embarcations.
Lourd tribut
Le 20 août, Patton donne l’ordre de traverser la Seine pour lancer une tête de pont. L’objectif est de contourner Paris par le nord-ouest. Un nouveau front est établi sur la rive droite de la Seine. Ce sera la sanglante bataille du Vexin, « le premier endroit où les Allemands parviennent à contenir l’avancée des Alliés ». De sérieuses batailles ont lieu à Blaru, à Chaufour-lès-Bonnières. Durant une dizaine de jours, Alliés et Allemands jouent au chat et à la souris, reprenant le lendemain les territoires perdus la veille.
« Les renforts allemands arrivent rapidement avec deux divisions appuyées par de gros chars Tigre, ce sera le début d’une bataille frontale qui va durer 8 jours entre Vétheuil et Porcheville, faisant au moins 200 morts Américains, 150 civils et 1 500 Allemands. »
La bataille du Vexin se terminera le 30 août, quelques jours avant l’arrivée des forces britanniques à Mantes-la-Jolie.
Patton échappe à un attentat. Les 18 et 19 août 1944, la 3e armée du général Patton surgit aux abords de Mantes, après une course folle sur les arrières allemands. La surprise est totale, aussitôt Patton, depuis la hauteur de l’hôtel de la Corniche à Rolleboise, lance l’ordre de franchissement du fleuve pour le lendemain.
La jeep des correspondants de presse US a été écrasée par un char. (©Parker, Signal Corps-NARA)
L’illustre général vient d’échapper à un terrible accident resté inexpliqué. Un char a foncé sur son véhicule au niveau de la Scellée à Breval, et seule la jeep des correspondants de guerre qui le suivait a été écrasée. Le journaliste Bob Tréanor a trouvé la mort, le premier des 200 GI’s qui vont mourir durant la bataille de la Tête de Pont de Mantes.Bréval, carrefour de la Scellée le 18 août. La jeep des correspondants de presse US a été écrasée par un char, accidentellement semble-t-il. Elle suivait de près le véhicule du général Patton. Cette affaire mystérieuse est révélée ici pour la première fois. Char américain ou allemand ? Patton était-il déjà visé ? Son propre véhicule a été endommagé durant cet accident. Il devra emprunter la jeep du général Wyche pour lancer la tête de pont à Rosny-sur-Seine. À son bord se trouvait les correspondants de guerre Sonnee Gottlieb de l’International New service, Charles Shaw de la Colombia Broadcasting Co. et Tom Treanor du Los Angeles Time. Ce dernier va décéder des suites de ses blessures.
Vernon tête de pont 1944
Bruno Renoult publie un livre sur la libération par les Britanniques de Vernon et du Vexin normand.
Est-ce le douzième ou le quinzième ? Bruno Renoult a perdu le compte des ouvrages qu’il a consacrés à l’Occupation et à la Libération. La période lui fournit une matière inépuisable. Le dernier en date, Vernon tête de pont 1944, écrit en collaboration avec Sébastien Leroy et sous-titré La Roche-Guyon Kommandantur contient de nombreux aperçus sur les combats de la Libération dans le canton de Bonnières.
Le livre vaut notamment pour ses photos et documents rares. (©Vexin Histoire Vivante)
Comment Bruno Renoult travaille-t-il ? « Les documents que j’exploite proviennent pour un tiers d’archives américaines. J’ai farfouillé des années là-bas, au National Archives and Records Administration, à Washington, j’y ai désormais des correspondants. Pour un autre tiers, ils proviennent des archives allemandes, et pour le reste de collections françaises. » Bruno Renoult a eu accès au dossier personnel des résistants, en particulier celui de Léon Lengagne, le chef de la Résistance dans le canton de Bonnières, devenu conseiller général après la Libération, dont les états de service ont été contestés par le comité de libération de Bonnières, peut-être pour des motifs politiques – il était gaulliste. Léon Lengagne écrira au général Koenig, l’ancien chef des FFI, pour lui « expliquer les manœuvres dont il est victime ». Le chapitre s’intitule « Rififi à Bonnières ».
Vernon tête de pont 1944. 264 pages. 30 €. Le livre de Bruno Renoult est édité par l’association Vexin Histoire Vivante. Contact :
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Source : https://actu.fr