Août 1944 - Libération du Mantois
Constitution du premier comité de libération de la région mantaise
Plaque commémorant la constitution du premier comité de libération de la région mantaise - Plaque apposée place du Marché au Blé à Mantes-la-Jolie (Yvelines) - Producteur : Jérôme Leblanc - Source : © Association Mémoire et patrimoine militaire - ARHM Droits réservés - Lieu : France - Ile-de-France - Yvelines - Mantes-la-Jolie
Le 17 décembre 1943, les représentants des organisations de résistance de Mantes se réunirent au 1er étage du Café de Paris, place du Marché au Blé. Ils constituèrent alors le premier comité de libération clandestin de l'arrondissement de Mantes. Louis Cauzard (Libération-Nord) en fut nommé Président, René Martin (Front national) et Louis Racaud (FTP) vice-présidents ; Anatole Nicolle (PCF) et Michel Touly (OCM) devinrent également membres du comité. Ils décidèrent de coordonner leurs actions dans le Mantois afin de préparer les conditions en vue d'un prochain débarquement allié sur les côtes françaises.
Le 13 août 1944, Louis Racaud et René Martin, les deux responsables FN et FTP de la région mantaise, rencontrent le commandant Schweitzer, chef du secteur FFI Rueil-Poissy, afin de lui faire connaître la situation du secteur face à l'approche des armées alliées. Plusieurs groupes sont constitués à la Belle-Côte (sergent Scheer), à Bonnières (Melsen), à Guernes (Le Scoazec), à Rosny (Fabrizi) et à Limay (Robert Testaud). Mantes reste sous le commandement de René Martin et Louis Racaud. D'autres groupes se constituent spontanément à Septeuil, Bréval, Blaru, Jeufosse, etc. Jusqu'au 26 août, date du départ des Allemands de Poissy, c'est le Comité de libération présidé par René Martin et Louis Racaud qui dirige les opérations et applique les directives transmises par le commandant Schweitzer.
Dès le 23 août 1944, le Comité de libération propose au maire de Mantes, M. Goust, une liste de 26 noms représentant les organisations et partis politiques (trois places étant réservées à des prisonniers). Il organise la distribution de l'essence provenant de plusieurs péniches prises aux Allemands par les FFI, il structure le centre d'accueil créé pour héberger et nourrir les gens qui n'ont plus de toits ou qui ne oeuvent se rendre chez eux du fait des combats. Il répartit équitablement entre les habitants les vivres récupérés dans les stocks de l'occupant.
Il tente de redonner vie à l'activité économique totalement paralysée depuis les bombardements. Le Comité créé également une commission d'épuration.
Devant l'importance des tâches à accomplir, le Comité de Libération devenu Comité de l'Arrondissement de Mantes s'élargit aux représentants de la plupart des mouvements de résistance nationaux et à ceux des partis politiques. Le Comité est donc remanié :
René Martin (FN), président
Lucien Coste (Libération), vice-président
Latombe (OCM), secrétaire
Les autres membres sont :
- Anatole Nicolle (PCF)
- Roger Chevaler (FUJP)
- Roger Perret (MNPGD)
- Roger Tournier (CDLR)
- Jean Bertin (CDLV)
- Simone Bruneau (UFF)
- Mme Signol (Action Familiale)
- Robert Aimé (Comité d'aide aux réfractaires)
- Louis Racaud (FTP et Comités populaires)
- Marcel Barbot (Parti socialiste)
- Louis Theffine (MLN)
- Gaby Roulleau (CGT)
- Pierre Rousseau (Gaullistes)
Barbot, Goust et Racaud représentant aussi le Conseil municipal. Ce dernier est en effet installé dès le 31 août et, après plusieurs remaniements, transformé par le Préfet en Délégation spéciale en attendant les élections municipales.
Né le 14 avril 1899 à Mantes, Louis Cauzard y exerce la profession d'architecte. Il rallie le mouvement Libé-Nord en janvier 1943 et devient l'adjoint d'Edouard Fosse, responsable militaire du secteur de Mantes. Lors du départ de ce dernier en novembre 1943 pour rejoindre la France libre, Louis Cauzard lui succède à ce poste. Promu au grade de lieutenant, il est sous les ordres d'André Kleinpeter, chef départemental de Libé-Nord. Louis Cauzard est également le premier président du comité de libération de Mantes, encore clandestin. Arrêté le 28 juin 1944 à son domicile par la Gestapo, il est incarcéré à la prison Saint-Pierre à Versailles puis transféré à Fresnes le lendemain. Le 3 août, il est dirigé sur Compiègne puis est déporté à Buchenwald le 17 août 1944. De là, il est transféré au kommando de Neu Stassfurt. A 8 km de Stassfurt et à 35 km de Magdeburg, les détenus de ce Kommando, ouvert le 13 septembre 1944, doivent installer dans une ancienne mine de sel une usine souterraine. Ils sont près de 500 détenus en janvier 1945. Presque tous sont Français. De retour à Buchenwald, il y décède le 13 décembre 1944.
René Martin adhéra au Parti communiste en 1937. Officier, il fut mobilisé en août 1939 à Rouen (Seine-Maritime), puis après l’armistice, fut le responsable d’un centre de démobilisation près d’Agen. En avril 1942, René Martin libéré de l'armée d'armistice où il avait été maintenu à la fin de la guerre, rentre à Mantes. En mai, il reçoit la visite de Serge Lefranc qui le charge de la responsabilité du Front national pour la région mantaise et lui demande de mettre sur pied les FTP. René Martin demande alors à Louis Racaud, avec qui il a milité avant guerre, de regrouper tous les militants de l'OS qui ont acquis une expérience certaine dans les combats pour constituer les cadres ou les militants actifs des FTP. Après la mort en déportation de Louis Cauzard, présida-t-il le Comité local de Libération de Mantes-la-Jolie en 1944. Élu conseiller municipal de Mantes-la-Jolie en 1947, René Martin conduisait la liste communiste aux élections municipales de 1953 qui fut battue. Il siégea dans la minorité du conseil jusqu’en 1959. Il conduisait la liste d’union de la gauche qui fut élue en 1977 à Mantes-la-Ville et devint maire. Réélu en 1983, il abandonna la fonction mayorale en 1984 restant conseiller municipal jusqu’en 1989. En 1967, René Martin fut élu conseiller général du canton de Mantes-la-Jolie, battant le conseiller général sortant socialiste Aimé Bergeal qui retrouva son siège en 1970 jusqu’à son décès en 1973. Martin fut alors désigné lors de l’élection complémentaire dans le canton et siégea jusqu’en 1976. Cette année-là, le canton fut divisé entre les cantons de Mantes-la-Jolie et Mantes-la-Ville. Martin fut élu dans ce dernier et devancé en 1982 par le candidat socialiste. René Martin siégea au Sénat à partir du 16 août 1982, après le décès du sénateur socialiste Philippe Machefer. Membre de la commission des affaires culturelles, il ne fut pas réélu en 1986. Pendant sa retraite, René Martin, avec son ami Louis Racaud, fonda et présida le Groupe de recherches et d’éditions mantaises pour encourager les travaux sur l’histoire de Mantes et de la Résistance dans la région.. Il est décédé le 20 décembre 2010.
Louis Racaud fut vice-président du Comité de libération clandestin. Syndicaliste cheminot, il occupa d'importantes responsabilités syndicales. Il fut également élu conseiller municipal communiste de 1977 à 1989.
Michel Tourly était loueur de bateaux à Robinson, sur l'île de Limay. Ses occupations professionnelles faisaient de lui un transporteur idéal d'armes et munitions, qu'il entreposait dans l'île, vers le pont d'Argenteuil. Les FTP utilisèrent souvent ses services pour des déplacements nocturnes pendant le couvre-feu.
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : René Martin et Louis Racaud, Le Mantois sous la botte, Rosny-sur-Seine, sn, 1988
Service historique de la Défense, 16P112911 (dossier individuel de Louis Cauzard)
Jacques Girault, "René Martin", Maitron-en-ligne
Progression des avant-gardes américaines de Houdan à Mantes
Source : © Département AERI de la Fondation de la Résistance Droits réservés - Date document : 17 au 19 août 1944 - Lieu : France - Ile-de-France
Alors que la bataille de Normandie fait rage, l'irruption du XVe Corps américain sur les arrières allemands amène le front à une soixantaine de kilomètres de Paris dès le 18 août. Aussitôt les groupes de la Résistance et les patriotes se mettent à la disposition des Alliés. Les patrouilles de reconnaissance repèrent les positions ennemies et préparent la route des colonnes américaines. Déjà, depuis la Normandie, presque chaque unité américaine dispose d'un officier de liaison français, ce qui facilite les contacts avec la population. Le plus connu, accompagnant le XVe Corps, se trouve être le Commandant Marin, ancien speaker de Radio-Londres et représentant du général de Gaulle, plus connu dans la résistance sous le nom de "Clergé-Vaucouleurs".
Précédée par le 106th Cavalry du Colonel Vennard Wilson, la 79th division US ouvre la route, avec pour objectif le franchissement de la Seine à Mantes. Laissant le 315th régiment en réserve à Houdan, le 314th sur la droite et le 313th sur la gauche, l'infanterie motorisée des régiments des colonels Robinson et Wood se taille un couloir de percée, étroit de quelques kilomètres seulement. Les maigres forces allemandes, généralement des unités composites de convoyeurs non combattants, surpris sur leurs arrières, sont bousculées et se retirent à gauche sur l'Eure, à droite sur la Mauldre. Quelques accrochages occasionnent ça et là des pertes en hommes et matériels au 106th Cavalry devant Houdan, Boutigny et Osmoy près d'Orgerus. Stoppée devant Houdan par un barrage d'artillerie, la "C" Troop du Capitaine Winkler est contrainte de se replier pour faire intervenir les chars légers. Trois blindés allemands montent sur Dannemarie.
Le maréchal Model qui vient de reprendre le commandement du groupe d'armée B, venait d'ordonner aux restes des 1ère et 10e SS Panzer Division de se rassembler au sud de Mantes. Il est déjà trop tard, les nouvelles sont alarmantes : "Les forces ennemies progressent vers Houdan. Montfort est menacé, la route de Versailles est coupée et, on parle d'une pointe de blindés ayant atteint les bois de Rosny-sur-Seine".
Les Allemands ont quitté Bazainville après avoir incendié le château et un dépôt de 10.000 litres de carburant et d'huile, servant au convoyage des blindés. Le 121e bataillon de reconnaissance du Colonel Homfeld arrive à 8 heures dans la localité ; le groupe FFI commandé par le sergent chef Giraud leur remet cinq prisonniers allemands. Le groupe est composé d'une trentaine d'hommes dont une quinzaine de soldats sénégalais, ex-prisonniers de guerre abandonnés par les Allemands, ainsi que cinq Français de l'Organisation Todt. Des missions de reconnaissance demandées par l'officier de liaison français auprès des Américains, sont lancées sur Houdan-Gambais-Richebourg-Tacoignières et la Queue-lez-Yvelines. Montfort l'Amaury ne sera libéré que le lendemain après un accrochage avec un groupe d'une vingtaine d'Allemands débouchant dans la rue principale. D'après le rapport de la Résistance, les Allemands se défendirent âprement, avec l'énergie du désespoir. Aidé par les Américains, le groupe FFI engage une courte lutte, trois GI's furent blessés mortellement, sept Allemands tués et le reste fait prisonnier. Un FFI dénommé Battu trouva la mort.
A Houdan, selon un rapport FFI : "Les chars allemands sont camouflés un peu partout, les FFI en dénombre 17 en tout : Tigres et Panthers, le volontaire Dybowski est parvenu à joindre la reconnaissance américaine à Boutigny. Durant la nuit Jean Claude Hyvert parvient à les rejoindre pour leurs annoncer que Houdan n'est pratiquement plus défendu, il était temps, les Américains s'apprêtaient à lancer 50 chars et 20 avions sur Houdan."
Au milieu de la nuit du 17 au 18, une formidable explosion retentit, les Pionniers du Major Ebernach ont fait sauter le pont sur la Vesgre à l'aide d'un "Goliath" un petit char bourré d'explosifs. La 13e compagnie du bataillon 813 disposait d'une centaine de ces engins. A l'instruction, les mois précédents à Issou, le bataillon parviendra à se replier sur Paris où il recevra l'ordre de préparer la démolition des ponts sur la Seine. Quelques autres Goliath sont débusqués ça et là et rapidement neutralisés. Des traînards allemands sont appréhendés, trois au Moulin du Mesnil alors qu'ils sont attablés : escarmouche, le FFI Roger Thiseas est blessé puis transporté par une ambulance américaine à l'hôpital. "Dans l'après-midi du 18 les premiers chars américains défilent sans arrêt. Nous leur distribuons des bouteilles de vin. Notre ami Jack Martin (pilote allié parachuté) nous rejoint et c'est la joie complète. Robert du réseau Comète le fera rapatrier. Nous nous inscrivons en hâte à la mairie pour loger les Américains, ils sont accompagnés par un capitaine français des affaires civiles venu de Londres. C'est l'état-major de la Division Croix de Lorraine."
A Orgerus est arrivée la "C" Troop du 121e peloton commandée par le Captain Brady, elle a pour mission de monter sur Epône. La colonne précédée par deux automitrailleuses M8 se dirige sur Osmoy par Moyencourt. Un char allemand embusqué en périphérie d'Osmoy, bien dissimulé sous des branchages, allume coup sur coup les deux blindés américains, se souvient Monsieur Bruillé. De source locale on dénombre deux morts et un blessé. Échaudée, la Reconnaissance se replie sur Septeuil. Le 106e Cavalry fait état de son côté, de l'interception par trois chars allemands de la colonne du 2e peloton : "Les véhicules sont touchés un à un et prennent feu, le Lieutenant McNally est blessé ainsi que trois autres soldats, le caporal Snider a trouvé la mort." Sur Prunay-le-Temple, un accrochage avec trois véhicules allemands aura occasionné la mort du Private Glenn Batcher de la "C" Troop.
La "A" Troop du Captain Winkler arrive devant Septeuil en fin d'après-midi, la Reconnaissance stoppe sur les hauteurs le temps de neutraliser les dernières résistances en ville. Le rapport des FFI Curvelier et Baton mentionne : "Informés de la présence d'une compagnie allemande en ville, les Américains remettent au lendemain la libération. Néanmoins quelques uns pensent pouvoir y faire des prisonniers sans coup férir, une jeep descend alors en ville et surgit rue de la poste, une ébauche de négociation s'entame avec des Allemands prêts à se rendre. C'est alors qu'un sous-officier SS ouvre le feu à l'arme automatique sans distinction sur le groupe ; un Américain est tué, un autre grièvement blessé ainsi que des soldats allemands".
Ayant contourné les poches de résistance, le 313e régiment du Colonel Sterling Wood, en tête de la 79e division, arrive en vue de la Seine sur les hauteurs de Jouy-Mauvoisin au soir du 18 août. Aux abords de Perdreauville, les éléments précurseurs détruisent un convoi allemand se dirigeant vers la Seine. Ils capturent, de plus, une dizaine de véhicules appartenant à la 9e Panzer Division SS Hohenstauffen. A La Belle Côte, le 313e aidé par la résistance faisait 125 prisonniers, une vingtaine d'Allemands sont tués. On identifie des éléments d'un bataillon du transport ferroviaire et des SS de la compagnie d'état-major de la 9e Panzer qui avaient reçu l'ordre de passer la Seine à Rosny.
A Méricourt, site du barrage sur la Seine qui va s'illustrer dans les heures qui viennent, l'ingénieur note à la date du 18 août : "Nombreuses alertes aériennes, mitraillages et bombardements des bateaux circulant sur la Seine. Vers midi, bombardement des ouvrages, une bombe sur la petite écluse l'endommage, porte défoncée, borne de manœuvre cassée. Vers 20 heures, les troupes allemandes de la HVP chargées de la garde des ouvrages, évacuent et passent sur la rive droite après avoir fait sauter leurs mitrailleuses. Passage d'un détachement démontant derrière lui les planches de la passerelle sur une travée et demie. Vers 23h une vedette allemande arrive aux écluses ; l'équipage la saborde et s'enfuit par la route".
De son côté, un rapport des FFI mentionne : "Les groupes Franck et Louis font sauter le barrage de Méricourt en présence de nombreuses troupes allemandes, ce qui a pour but de bloquer le matériel allemand de l'autre côté de la Seine, les bacs de Guernes, Rosny et Dennemont sont rendus inutilisables par suite de la baisse de niveau".
Pendant ce temps à Mantes, les patriotes et la Résistance après des années de clandestinité commencent à apparaître au grand jour, les derniers Allemands en ville sont neutralisés, le Comité de Libération s'ébauche avec Louis Racaud et René Martin. Les Allemands évacuent en hâte la Kommandantur ; des équipes de démolition incendient dépôts et matériels ; des escarmouches ont lieu avec les résistants qui se soulèvent. L'aviation alliée harcèle les convois allemands se dirigeant précipitamment vers la Seine. Le 18 au soir, la 79e Division américaine a atteint la ligne La Belle-Côte - Buchelay – Magnanville – Boinville. Depuis Houdan le Général Wyche fait monter l'état-major avancé au Tertre-St Denis, point culminant de la région au sud de Mantes. L'état-major du XVe Corps du Général Haislip arrivant de Dreux s'installe à Houdan. Le 315e régiment y assure l'arrière-garde de la division et la sécurité des communications du corps face à des attaques menaçantes sur les flancs.
La 5th Armored Division en charge de la protection du flanc gauche du XVth Corps, après avoir au cours de violents combats emporté Dreux, recevait pour mission de foncer sur la Seine à l'ouest de Mantes pour commencer à réduire le triangle de la poche Eure – Seine qui se dessine. Le 18 août, le 85e bataillon de reconnaissance, précédant le combat command de la 5e division blindée arrive à Bréval vers 15 heures. Le centre de la résistance, rassemblé à la gendarmerie appréhende quelques retardataires allemands, ils accompagnent les Américains à la gare où quatre prisonniers sont capturés, les patrouilles ramènent un officier et un sous-officier de St Illiers-la-Ville. Dans le courant de la nuit, l'officier de liaison français, le lieutenant Avolte, demande des volontaires pour reconnaître les lignes allemandes, y déceler les positions, forces, armement et l'état des bacs sur la Seine, enfin tout renseignement pouvant faciliter l'avance des troupes alliées. Vers 5 heures, la patrouille du gendarme Julien Cornuejols part pour Rosny et Gassicourt, celle d'Albert Dantel pour Pacy-sur-Eure, et René Baudet pour Bonnières.
A Dammartin-en-Serve, ce 18 août, l'instituteur parvient à établir une communication téléphonique avec René Martin à Mantes. Nouvelle incroyable "Les Américains sont là !". A l'écouteur on entend distinctement le grondement des chars dans la rue.
Le jeune FFI Jacques Simonnet engagé dans l'armée américaine écrit : "Avec les Tanks du 813e bataillon nous continuons vers le nord par Dammartin puis Longnes. Six Piper-cub, nos guides et anges gardiens, se posent dans un herbage au bord de la route”.
A Magnanville, Ernest Collobert raconte : “Dans l'après-midi, les FFI avec les frères Julien attendent l'arrivée des Américains, mais c'est une moto allemande qui arrive essuyant des tirs depuis Soindres et tombe en plein sur les résistants, le pilote opère un demi-tour sportif sous les balles mais casse le câble des gaz, immobilisant la moto. Les deux occupants s'enfuient à pied, l'un vers la mare il est fait prisonnier, l'autre par la route de Mantes, il est abattu par les FFI qui surgissent de derrière la citerne, place de l'ancienne mairie". Jacques Simonnet continue : “Nos Tanks Destroyers avancent jusqu'à Soindres, avec Kelly et la base, nous nous replions à l'entrée du Tertre-Saint-Denis pour passer la nuit dans un abri à bestiaux sous une pluie diluvienne”.
Le groupe de résistance de Bonnières-sur-Seine a été anéanti les mois précédents, on compte déjà cinq patriotes fusillés. Seuls restent quelques isolés ayant pu échapper aux arrestations. L'ancien Maire écrit : "Dans la nuit du 18 au 19, huit chars accompagnés de deux cents SS s'organisent dans Bonnières. Au matin, les rues sont barrées, des Allemands en tenue de combat contrôlent les carrefours et interdisent aux habitants de quitter la ville. On sait que les Américains sont arrivés à Lommoye, leur artillerie bombarde le secteur, les avions mitraillent les rues. Les Allemands partent en faisant sauter le relais radio, les installations de la poste sont réduites en un tas de pierres, et incendient les dépôts. L'infanterie SS traverse la Seine, les chars partent sur Vernon”. Le Gendarme Maurice Laurent, alors membre du Front National de la Gendarmerie à la brigade de Bonnières témoigne : "Vers 15 heures, bien que Bonnières soit encore occupé par des éléments SS, nous avons, Mr Lengagne, quelques FFI et moi, démoli un barrage que les Allemands avaient édifié pour retarder l'avance alliée. Une heure après, j'ai vu Lengagne passer à moto, se dirigeant vers un char Tigre qui brûlait à la sortie nord de Bonnières. Peu après il est repassé à la brigade muni d'une mitraillette allemande. Il m'a dit alors : "Tiens, nous allons à la Kommandantur voir s'il y a des Allemands". Nous sommes partis au pas de course. Arrivé à hauteur de la gare, un véhicule amphibie monté par un officier et plusieurs soldats allemands armés de mitraillettes, déboucha de la ruelle du quai de Seine à 15 mètres de nous environ. Lengagne voulut tirer sur les Allemands, mais sa mitraillette s'enraya ; je ne pus rien faire étant armé d'un simple pistolet 7,65. Les Allemands surpris, pensant avoir à faire aux premiers éléments alliés, Lengagne étant habillé en kaki et botté de cuir fauve, firent demi-tour sans utiliser leurs armes".
Côté allemand, à la Roche Guyon, au PC du Groupe d'Armée B, le Maréchal von Kluge a reçu la veille son successeur le Maréchal Model, un homme énergique et capable de redresser la situation. Ce 18 août, Kluge, rendu responsable par Hitler de la défaite en Normandie, n'est plus qu'une ombre errant dans le château. Model aussitôt sur le terrain, après une journée d'inspection et de conférences, prend le commandement du GA 2 à minuit. Von Kluge ayant appris qu'il ne pourra pas rencontrer le Führer, rédige une lettre en forme de testament avant de se suicider sur la route du retour en Allemagne.
Côté allié, à Houdan, le commandant de la 3e armée, le Général Georges Patton, se rend auprès du Général Haislip à l'état-major du XVe corps installé dans une propriété au cœur de la cité. Le Général Wyche vient faire son rapport sur la progression de sa division sur Mantes. Les nouvelles sont favorables, aucune opposition sérieuse n'a été rencontrée ; la percée américaine, le franchissement du fleuve à Mantes puis le gigantesque mouvement d'encerclement prévu au nord de la Seine semble pouvoir se dessiner.
Le 19 août au matin la 79e division est arrivé sur la Seine, le contact s'établit avec la Résistance, souvent des patriotes isolés, les réseaux ayant été pratiquement anéantis précédemment. Mantes est libéré sans coup férir. A Méricourt, le contact est établi avec le groupe de résistance de Georges Pain du secteur de la boucle de Moisson et de Rosny sur Seine. Les Américains sont demandeurs d'informations sur les forces allemandes au nord du fleuve, pour lancer leur tête de pont. Des actions improvisées sont lancées aussitôt et, il est même question d'aller attaquer l'état-major de Model à la Roche-Guyon. Les Résistants de Rosny avec René Boulineau renforcés par les FTP de Mantes lancent une attaque sur Guernes, ils sont une vingtaine équipés d'armes de prise qui débarquent rive nord. Les Allemands, une petite centaine, ne sont que des éléments retardataires abandonnés sans ordres. Arrivés au pied de la vieille côte, les Résistants sont accueillis par des tirs et jets de grenades, André Mandon est tué et deux autres sont blessés ; la troupe poursuit pour faire sa jonction avec les Francs-tireurs de Guernes qui nettoient le village. Ils se heurtent à des Allemands retranchés dans la Maison Bourlon où se trouve un dépôt ; depuis le café, le groupe FTP tiraille sur les ouvertures, Roger Girardat s'élance seul et pénètre dans la maison. A l'étage, au cours d'un corps à corps, il est tué et s'écroule au bas de l'escalier. L'artillerie alliée qui a tiré sur le village a fait deux jeunes victimes. Les Américains n'investiront la localité que le lendemain vers 11 heures en venant de Flicourt.
Au matin du 19 août, les Américains avec la 79e division et la 5e DB tiennent fermement la rive sud depuis Port Villez à l'Ouest de Bonnières à Epône, lançant une reconnaissance vers Les Mureaux et Orgeval. Soit un front d'une quinzaine de kilomètres au total. A Mantes, le Commandant Marin rassemblant les divers groupes de la Résistance, déclare la cité libérée et installe un PC de liaison pour organiser l'action au côté des Américains.
Bruno Renoult in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004
FFI et soldats américains à Rosny-sur-Seine et Guernes
Source : © Collection Bruno Renoult Droits réservés - Date document : 19 août 1944 - Lieu : France - Ile-de-France - Yvelines - Rosny-sur-Seine
Le 19 août au matin, la 79e division est arrivé sur la Seine, le contact s'établit avec la Résistance, souvent des patriotes isolés, les réseaux ayant été pratiquement anéantis précédemment. Mantes est libéré sans coup férir. A Méricourt, le contact est établi avec le groupe de résistance de Georges Pain du secteur de la boucle de Moisson et de Rosny sur Seine. Les Américains sont demandeurs d'informations sur les forces allemandes au nord du fleuve, pour lancer leur tête de pont. Des actions improvisées sont lancées aussitôt et, il est même question d'aller attaquer l'état-major de Model à la Roche-Guyon.
Les résistants de Rosny avec René Boulineau renforcés par les FTP de Mantes lancent une attaque sur Guernes, ils sont une vingtaine équipés d'armes de prise qui débarquent rive nord. Les Allemands, une petite centaine, ne sont que des éléments retardataires abandonnés sans ordres. Arrivés au pied de la vieille côte, les résistants sont accueillis par des tirs et jets de grenades, André Mandon est tué et deux autres sont blessés ; la troupe poursuit pour faire sa jonction avec les Francs-tireurs de Guernes qui nettoient le village. Ils se heurtent à des Allemands retranchés dans la Maison Bourlon où se trouve un dépôt ; depuis le café, le groupe FTP tiraille sur les ouvertures, Roger Girardat s'élance seul et pénètre dans la maison. A l'étage, au cours d'un corps à corps, il est tué et s'écroule au bas de l'escalier. L'artillerie alliée qui a tiré sur le village a fait deux jeunes victimes. Les Américains n'investiront la localité que le lendemain vers 11 heures en venant de Flicourt.
Bruno Renoult in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004
Stèle commémorant le franchissement de la Seine par l'armée Patton
20 août 1944 : franchissement de la Seine par l’armée du général Patton sur un pont de bateaux reliant Guernes à Rosny. - Source : © Wikimedia Commons Libre de droits - Lieu : France - Ile-de-France, Yvelines, Guernes
La région de Mantes est libérée du 18 au 30 août 1944. Dès le 18, les troupes américaines atteignent la Seine à Mantes et Bonnières d'où les Allemands ont décroché sans combattre. Le 19, la Seine est franchie à Mantes et le 20 à Rosny-sur-Seine d'où les Américains tirent au canon pendant plusieurs jours, sans chercher à reprendre leur progression vers le Nord.
Bruno Renoult
Film Les Américains à Mantes, de Stevens
Source : © Library of Congress, Washington Droits réservés - Date document : [23 août 1944] - Lieu : France - Ile-de-France - Yvelines - Mantes-la-Jolie, Guernes, Rosny sur Seine, autre lieu non déterminé
Analyse média
Fiche technique Réalisation : George Stevens
Date présumée : 23 août 1944
Durée totale de l’extrait présenté : 00 :02 :33
Séquence 1 : Les Américains à Houdan vers le 20 août 1944.
La localisation nous est confirmée par les panneaux indicateurs signalant Versailles à 47 km par la route nationale 12. Une pancarte indique également la direction du quartier général du XVe Corps.
(00 :00 :00 à 00 :00 :12)
Séquence 2 : Scènes de rue non localisées (00 :00 :13 à 00 :00 :29)
Séquence 3 (00 :00 :30 à 00 :01 :09) :
- Progression des troupes américaines le long de la Seine.
- Vue du treadway bridge de Mantes, quai des Cordeliers. Ce pont provisoire a été mis en place le 22 août par le Génie américain ; il est supporté par des péniches réquisitionnées. Sur cette séquence, des véhicules militaires américains traversent le pont. Un panneau mentionne que le trafic sur le pont est interdit aux véhicules civils. De l’autre côté du pont, on peut apercevoir les établissements Péru.
- Vue de la Seine avec en arrière-plan les carrières de Porcheville.
Séquence 4 : Au bord de la Seine, trois Américains conversent ; en arrière-plan la collégiale de Mantes. (00 :01 :09 à 00 :01 :20)
Séquence 5 : Troupes américaines le long de la Seine à Mantes. (00 :01 :21 à 00 :01 :32)
Séquence 6 : Ambulance et jeeps traversant le pont flottant de Rosny-Guernes, mis en service le 20 août. (00 :01 :33 à 00 :02 :26)
Source : © Library of Congress, Washington Droits réservés - Date document : [23 août 1944] - Extrait traversée de la Seine, pont flottant entre Rosny sur Seine et Guernes
Sur la rive droite de la Seine, les Allemands ; de l’autre les américains de la 3e armée, commandés par le général Patton. Les alliés entreprennent de franchir le fleuve pour contourner Paris par le nord-ouest et ainsi réaliser une tête de pont. Dans la nuit du 19 août, les hommes du 313e Régiment d’infanterie traversent par la passerelle du barrage de Méricourt. Le lendemain, c'est à Rosny que le reste de la division avec ses chars et son artillerie passent en aménageant le premier pont flottant sur la Seine. L'ouvrage mesure près de 250 mètres et est construit en une journée seulement. Ils organisent la traversée de matériel trois jours durant. Un nouveau front est établi sur la rive droite.
Séquence 7 : Progression américaine ; scène non localisée. Il se pourrait qu’il s’agisse d’une vue de Rambouillet, le panneau indiquant la direction de Chartres. (00 :02 :27 à 00 :02 :33)
Contexte historique
La libération du département de Seine-et-Oise s'échelonne du 15 au 31 août 1944. Commencée par l'arrondissement de Rambouillet, à la Boissière-Ecole, le 15 août au matin, elle s'est terminée par l'évacuation de Beaumont dans la journée du 31 août 1944. Entre ces deux dates, la libération est progressive. Elle est le fait soit des Américains, soit de la 2e DB, soit de groupes FFI locaux. Arrondissement de Mantes : cet arrondissement a été libéré du 18 au 30 août 1944. Dès le 18, les troupes américaines atteignent la Seine à Mantes et Bonnières d'où les Allemands ont décroché sans combattre. Le 19, la Seine est franchie à Mantes et à Rosny-sur-Seine d'où les Américains tirent au canon pendant plusieurs jours, sans chercher à reprendre leur progression vers le nord. Les premiers éléments américains atteignent Maule le 19 août et poussent jusqu'aux Alluets-le-Roi où ils rencontrent de la résistance et doivent se replier sur Maule pendant quatre jours. Les Alluets-le-Roi, Bazemont et Herbeville réoccupées par les Allemands sont évacués par les habitants qui craignent des représailles. Le 19 août, le commandant Schweitzer, chef du secteur Rueil-Poissy, déclenche l'insurrection dans son secteur. Sous ses ordres directs, de Rueil aux Mureaux et à Flins, ainsi que sur la rive droite dans les régions de Chatou et Conflans, des édifices publics et des noeuds de communication sont occupés, des barricades dressées et des combats s'engagent contre l'ennemi. Le 24 août, les Allemands décrochent enfin et se replient en direction de Saint-Germain-en-Laye. Au cours de ces opérations, quatre Français ont été fusillés par les Allemands. La région d'Ecquevilly, atteinte le 20 août par deux patrouilles motorisées américaines, est réoccupée le 21 par les Allemands qui arrosent d'obus Flins et Aubergenville. Les Américains se replient sur Epône. Au cours de l'action, le maire de Flins est tué à son poste. Le 28, une contre-attaque américaine libère définitivement Ecquevilly. Dans la même période, cinq Français sont tués par les Allemands dans la région de Meulan. Dès le 21 août, les communes d'Arthies, Maudétour et Génainville se trouvent sous le feu de l'artillerie alliée. Le 21 août, un convoi allemand est attaqué par des FFI à Arthies où 25 otages sont pris le 22. Emmenés à Charmont, ils sont libérés puis lâchement attaqués à la mitraillette. Dix d'entre eux sont tués et deux blessés. Les Allemands, auteurs de cet assassinat collectif, tuent ensuite deux hommes à Charmont et incendient des récoltes dans la commune d'Arthies. Le 29 août, une attaque américaine dégage Magny et la région au sud de la RN 14. (1)
Stevens Georges (1904 - 1975)
Il démarre sa carrière en tant que Directeur de la photographie dans des films avec Laurel et Hardy en 1928-1929. Ensuite il réalise des comédies (notamment "Swing time" (1936) avec Ginger Rogers et Fred Astaire ou "La femme de l’année" avec Katharine Hepburn et Spencer Tracy).
Durant la Seconde guerre mondiale, il fut lieutenant-colonel d’une unité de transmission rattachée au Haut-Commandement des Forces expéditionnaires Alliées (c’est-à-dire à Eisenhower lui-même). A ce titre il débarquera en Normandie en juin 1944 avec une équipe de cameramen et tourna la progression des armées alliées jusqu’à Berlin. Cela donna 4 heures de rushes au total, tournés en 35 mm, dont une partie en couleur avec la nouvelle pellicule Kodacolor, mise au point en 1942 par les usines Eastman. Après la guerre, Georges Stevens redevient cinéaste de fiction.
Source : (1) dvd-rom La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004
Source de l'ensemble de l'article : https://museedelaresistanceenligne.org